La semaine de la mode dédiée aux hommes vient de s’achever à Londres et a encore une fois pu démontrer tout le talent et la créativité de jeunes designers, mais aussi renforcer l’image de marques déjà bien plus établies. Même si la Men’s Fashion Week reçoit moins d’attention que sa contrepartie féminine au mois de Septembre, elle n’est pas moins un évènement de taille dans le calendrier fashion et une plateforme pour certains créateurs, tout juste sortis de l’université, de faire du bruit dans la presse et faire décoller leur carrière. Et certains d’entre eux sont déjà très engagés politiquement et n’hésitent pas à partager leurs idées à travers leur collection. Voici donc un petit aperçu de quelques noms à retenir et à observer de (très) près :
Charles Jeffrey : Cela fait déjà quelques saisons que le nom de Loverboy est sur toutes les lèvres, qualifiant le designer de « cool kid » du moment, et le créateur est rapidement devenu le chouchou des journalistes et magazines spécialisés pour dénicher les nouveaux talents. Avec sa tribu d’artistes, musiciens et photographes, Charles Jeffrey a lancée la soirée Loverboy dans un club de l’Est de Londres pour financer son Master à la Central Saint Martins avant d’en faire une collection de fin d’études et de remporter le prix de Graduate of the Year 2015. Avec sa nouvelle collection printemps/été 2018, remplie de couleurs vives et de slogans osés, le créateur lance encore une fois une critique face à la société post-Brexit et un appel à rejoindre un mouvement d’anarchie créative sur le podium de Londres. Lui seul parvient à transformer un catwalk en une parade carnavalesque, digne de la capitale et de son extravagance quotidienne.
Grace Wales Bonner : Depuis le début de son label il y a seulement deux ans, la créatrice a toujours construit ses collections à partir des ses racines jamaïcaines en explorant la représentation de l’identité et de la sexualité des hommes noirs à travers un travail d’artisanat exceptionnel. Egalement diplômée de la Central Saint Martins avec sa collection Afrique en 2014, Grace a ensuite reçu le prix LVMH deux ans plus tard et s’est établie en tant qu’une des designers les plus prometteurs du monde de la mode. Cette saison, la collection est bien plus minimaliste, en référence aux années 90, et dégage une certaine sévérité qui se trouve bien loin de la richesse et la complexité caractérisant d’habitude Wales Bonner. Ce parti pris pourrait être une réaction aux évènements politiques du moment et au chaos qui nous entoure, mais il est certain que cette apparence sinistre et recherche de précision était encore une fois l’exploration d’une certaine sexualité masculine, qui plus est par une femme, alors que les répercussions du film Moonlight viennent à peine de s’atténuer. Tout cela était bien plus intriguant au vu des silhouettes femmes qui ont fait une brèves apparition sur le catwalk et qui n’ont fait que renforcer la vulnérabilité des hommes.
Craig Green : Le designer anglais est connu pour produire des collections quelque peu conceptuelles, en défiant les formes du corps tout en parvenant à créer des tenues portables et fonctionnelles. Jamais deux sans trois, vous l’aurez deviné, ce petit génie est également un prodige de la Central Saint Martins où il a pu étudier sous l’égide la grande Louise Wilson. Depuis sa première collection solo en 2014, la renommée du créateur n’a fait que grandir alors que l’industrie de la mode saluait déjà la créativité et l’émotion que dégageaient ses premières silhouettes. Cette saison sans exception, avec une collection nommée Paradise, Craig Green a approfondi certaines formes du vêtement, notamment avec des looks couvrants le visage, laissant le spectateur se questionner sur l’identité masculine et les caractéristiques définissant l’image d’un homme. Les silhouettes graphiques et colorées nous emportent dans l’univers utopique du designer et contrebalancent avec ses collections précédentes bien plus sombres.
Vivienne Westwood : Ce nom ne vous est surement pas étranger car la créatrice de 76 ans est une grande icône de la mode britannique, mais également connue dans le monde entier pour son influence dans les années 70. The Dame of Fashion a en effet révolutionné la mode en contribuant à l’esthétique punk et en incluant des vêtements sadomasochistes à ses collections de prêt-à-porter. Toujours autant impliquée politiquement et activiste déclarée contre le réchauffement climatique, Westwood imagine chacune de ses collections comme étant un combat pour le droit des hommes et la conservation de la planète. Cette saison encore, en mêlant looks pour homme et pour femme, Vivienne Westwood a déployé toute sa créativité pour appeler à l’action à coup de t-shirts à slogan, gribouillis représentant l’avidité de l’humanité, enseignes de cartes à jouer et éléments illusionnistes, au risque presque de tomber dans la caricature du cirque. On aime ou on n’aime pas, toujours est-il que Vivienne Westwood démontre que son label n’a pas pris une ride et qu’elle a plus d’énergie que jamais pour lutter contre les décisions politiques et les disfonctionnements de la société.
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