Directeur artistique au Carré Sainte-Anne à Montpellier, Numa Hambursin, en regroupant dans ce livre des articles, préfaces, écrits inédits, apporte un témoignage sur cette activité au statut incertain, aux contours flous et même à l’appellation variable : curateur ou commissaire d’exposition.
D’ailleurs comment devient-on curateur? Le terme est ingrat et guère explicite à lui seul. Dans le cas de l’auteur, il faut convenir qu’avec une mère galeriste depuis quarante ans le penchant familial plaide en faveur de la non préméditation. Si bien que cette prédestination quasi naturelle éloigne la question du pourquoi. Le jeune critique d’art et commissaire d’exposition croise donc très tôt les artistes, fréquente les lieux d’exposition, découvre le milieu de l’art de son temps. Il ouvre sa propre galerie à Montpellier avant d’être nommé à trente ans en 2010 directeur artistique du Carré Sainte-Anne dans sa ville. Cette position privilégiée dans un lieu remarquable pour sa nouvelle vocation en direction de l’art contemporain devrait apporter à son bénéficiaire une assurance certaine, la conviction chevillée au corps d’officier avec justesse dans cette voie royale. Pourtant Numa Hambursin, dans son « Journal d’un curateur de campagne », fait état de ses doutes, de ses hésitations, de ses ressentiments parfois envers le monde dans lequel il baigne pourtant depuis sa jeunesse.
Les hussards noirs de l’art contemporain
Dans son ouvrage « L’invention du curateur », Jérôme Gliscenstein écrivait : « L’un des traits les plus marquants de la reconnaissance du rôle des curateurs depuis une vingtaine d’années tient ainsi à la création d’un monde du curatorial ou d’une culture de l’organisation d’expositions »
Il y aurait donc bien un fondement organique légitimant cette fonction nouvelle à la fois enviée et décriée. Les curateurs seraient-ils les hussards noirs de l’art contemporain comme les instituteurs étaient ceux de la république laïque naissante ? Numa Hambursin, à ce poste de curateur, éprouve cette inconfortable position de se trouver en première ligne sur une frontière instable, mouvante, confronté aux pouvoirs visibles ou souterrains, aux oppositions tous azimuts, à celles des opposants à l’art contemporain comme à celles de ses propres thuriféraires. L’auteur n’est pas tendre avec ses confrères : « La critique d’art française, noyée depuis plus trop longtemps sous des considérations héritées des sciences humaines, finira par mourir de son cynisme froid, de ses prétentions scientifiques, de son manque de générosité et de simplicité ».
Quand bien même la condition du curateur doit être relativisée au regard de celle de mineur de fond, il reste que la position d’équilibre instable dans laquelle se trouve ce fantassin de l’art témoigne de la fragilité d’une telle activité. Lorsque l’auteur pour l’exposition « La Passion de Stéphane Pencréach » en 2010 « teste » volontairement ou non sa liberté d’expression avec une allusion à une plaisanterie douteuse lancée par le maire de Montpellier de l’époque Georges Frèche, le catalogue est passé au pilon avant même le vernissage …
Dans cette ville aujourd’hui ouverte à l’art contemporain avec notamment La Panacée et le futur centre MO CO, la vie du curateur n’est pas un long fleuve tranquille. Numa Hambursin ayant notamment essuyé le refus d’une exposition autour du philosophe et essayiste controversé Michel Onfray, annonce qu’il quittera ses fonctions de directeur artistique du Carré Sainte-Anne à la fin de l’année 2017.
Comme le livre est le témoignage d’un amoureux de l’art dans sa diversité historique, je ne doute pas de la capacité du curateur, critique, galeriste à défricher de nouveaux territoires, à poursuivre sa route aux côté des artistes ses frères d’armes.
« Journal d’un curateur de campagne »
Numa Hamnbursin
ISBN978-2-9535052-1-4
Éditeur la Chienne
Publication 05/2017