J'exerce un métier qui me rapproche plus de ma mère (traducteur), mais je travaille aussi, à temps partiel comme livreur/réparateur de shit, conduisant des camions, partout, pour Montréal et ses environs.
Mon père aurait été fier de mes mains sales et de mon maniement de tournevis et de marteau. Qu'il n'aura jamais vraiment vu de son vivant de ma part.
La semaine dernière, le jeudi, j'ai offert une journée formidable à ce travail. On m'a même félicité chaudement de mon rendement de vétéran, moi qui suis
Bref, la vie nous triturait l'horaire.
Puis, de retour au travail, le désastre.
Au volant d'un camion, longuement, parfois pendant 12 heures, je multiplie les chances d'attraper une contravention. Avoir une contravention m'est arrivé moins de 5 fois en 30 ans de conduite. Et ce qui devait arriver, arriva. Ne connaissant pas le camion que je conduisais comme il faut, et pressé par le temps, j'ai fait un stop "à l'indienne". Qui a aussitôt été peu apprécié par la policière qui n'avait pas atteint son quota du mois. J'ai eu beau lui expliquer que ce camion, je ne le connaissait pas, que j'avais bien pesé sur le frein, mais probablement comme si c'était une voiture normale et que l'arrêt a paru plus court, mais que je savais fort bien que j'avais pesé sur le frein; que j'étais indien (50% Atikamekw) ce qui me donnait théoriquement le droit de freiner à l'indienne, elle n'a rien voulu entendre, c'est 169$ que je devrai voler ailleurs d'ici le paiement.
Au travail, on m'avait dit que normalement "on payait le premier, mais que par la suite, c'est ton affaire" mais qu'il fallait valider avec le moyen boss. Le moyen boss m'a ensuite
J'allais livrer notre shit à Pointe-Des-Cascades ce jour-là. Cette phrase allait être vraie comme je l'ignorais encore. Une région dont j'ignorais l'existence. Dans une rue qu'aucun GPS ne reconnaissait. C'est la beauté de la chose, je découvre des coins de Pays-qui-ne-veut-pas-en-être-un, assez jolis. Ders coins si bien qu'ils sont virtuellement inexistants et à découvrir. Et j'y croise pleins d'animaux qui sont tellement plus intéressants que les Hommes. Si je ne trouvais pas la rue et que les GPS ne le trouvaient pas non plus, c'est que ce n'était pas le nom d'une rue, mais bien celui d'un golf. D'un chemin menant vers le golf.
Mais depuis le matin, j'avais aussi une autre cargaison à livrer. L'issue de ma discussion avec mon moyen boss m'avait donné une sévère envie de déféquer. Pesante. Conduire pendant 10/12 heures à ses désavantages à ce niveau. Si il n'y avait personne dans l'entrée, j'ai tout de suite repéré les salles de bains. J'ai regardé vers la mezzanine et mon regard à croisé celui d'une jeune serveuse qui semblait aussi égarée que moi dans son restaurant vide. J'ai filé vers la salle et m'y suis soulagé d'un poids.
À ma sortie, un
"Hey toi! qu'est-ce que tu faisais là?"
"...je...je coulais un bronze..."
Comme si il venait de repérer un enfant dans un club playboy, il m'a tout de suite dit,
"T'as pas d'affaire icitte!"
J'étais la verrue de leur journée, la saleté de leur pureté. Le corps du Christ, amen.
Je n'ai fait ni une. ni deux, avec le croulant qui me courait après (avec une marchette?) j'ai eu le temps de me rendre au camion, de sortir ma cargaison pour le mettre près de la porte et de fuir au volant du 16 pieds, comme un voleur. Le camion lettré aura peut-être une plainte.
"Votre employé est venu chier dans notre golf" ?
C'est fou ce que j'en serais fier.
C'est con mais ça m'a fait beaucoup de bien de me décontrarier de la sorte.
Mon père ne m'a jamais donné le conseil en titre de cette chronique, mais c'est une devise que je me colle à la peau pour toujours.
J'ai repensé à lui quand même, car il était bon rieur. Et ce serait beaucoup amusé de tout ça.
Il était du genre rocambolesque. Le recherchait, parfois.
C'est la fête des pères aujourd'hui. C'était aussi l'anniversaire de mon Dad.
Il aurait eu 70 ans aujourd'hui.
And would have been happy.