Contrairement à ce qu’il s’était passé lors des dernières expéditions et celle-là même dans d’autres îles, les collectes furent ici de nature particulière dans la mesure où elles furent essentiellement le fruit de dons des chefs autochtones au Capitaine Cook, considéré (peut-être) comme un ambassadeur de Lono ou pour le moins un homme important ! Et l’on ne pouvait pas offrir un simple hameçon ou un petit panier au représentant des dieux !
D’où l’impressionnante collection de capes de plumes, de couvre-épaules et de casques emplumés pour beaucoup donnés car les plumes étaient l’apanage des personnes de haut rang et des dieux.
Il s'agirait ainsi d'une trentaine de capes et de manteaux offertes à Cook à l’occasion du 3ème voyage.
Mais comment connait-on l’emplacement de ces objets de par le monde ?
C’est l’une des tâches colossales à laquelle s’est notamment attelée la célèbre anthropologue et conservatrice des collections Océanie au Smithsonian de Washington, Adrienne L. Kaeppler.
Tout d’abord, comment les identifier ? Les objets collectés lors des expéditions nous sont pour beaucoup connus grâce aux dessins réalisés par les artistes du bord que nous évoquerons prochainement.
Le Siècle des Lumières, c’est un moment privilégié où l’on pensait que le monde pouvait être mesuré, dépeint, compris. Descriptions des peuples, des plantes, des animaux... sont au programme des savants et artistes qui embarquent !Ainsi, juillet 1776, c’est John Webber qui monte à bord du HMS Discovery afin d’illustrer « les scènes les plus mémorables des transactions ». Il réalisera de nombreux dessins, aquarelles et des planches d’objets comme celle-ci qui témoigne de sa précision.
Mais dans quels musées, quelles collections les retrouver ?
C’est sur ce point que la contribution d’Adrienne L. Kaeppler est remarquable. (cf. Bibliographie à venir)
James Cook, tout d’abord, donna un nombre important d’objets de sa collection à ses protecteurs et à des institutions britanniques (Trinity College à Cambridge, British Museum). Il fit beaucoup de dons à Sir Ashton Lever qui les exposa dans son musée, l’Holophusikon (ou Leverian Museum) situé à Londres. Mais Lever fit faillite et ne parvint pas à vendre sa collection au British Museum ni à Catherine II de Russie comme il le souhaitait. Il obtint, en 1784, le droit de la vendre par le moyen d’une loterie. 8000 billets furent vendus (il espérait en vendre 36 000) et un seul gagnant ! Ce fut un certain James Parkinson qui acquit cet incroyable ensemble ; mais comme son prédécesseur, des problèmes d’argent l’obligèrent à vendre la collection aux enchères en 1806 : il y eut plus de 7000 lots et 26000 specimens mis ainsi en adjudication ! On mesure la complexité du travail de recherche des lots de par le monde ! (Cette vente sera l'objet de la conférence du 17 octobre prochain à Détours des Mondes).
Ainsi en est-il de cette cape de plumes et de ce casque (photos 3 et 4) qui se trouvent maintenant au Te Papa Museum. Leur histoire est connue et témoigne des biographies souvent complexes des objets de collections : Thomas Atkinson, un ami de Joseph Banks, les a acquis en 1806 à la vente. On pense que Banks les a récupérés et donnés à William Bullock qui les exposa dans son propre musée londonien jusqu'en 1819, date à laquelle sa collection fut vendue. Le casque et la cape ont ensuite été achetés par Charles Winn et sont restés dans sa famille jusqu'en 1912. Son petit-fils, Lord St Oswald, les a alors offerts à la Nouvelle-Zélande qui les conserve maintenant au musée national Te Papa Tongarewa.
Quant à la cape et le casque des photos 1 et 2 ci-dessus,ils sont probablement allés directement dans les collections du British Museum (Hyp. de A.L. Kaeppler).