Mediapart live avec une erreur d'étiquetage

Publié le 01 juin 2017 par Pascalcanterbury

Voilà comment ça fonctionne la médiacratie, l'air de rien dans les quelques premières minutes du live de Mediapart, le soir du second tour de l'élection présidentielle de 2017, ils ont un message à faire passer. Contre toute attente, alors même que le titre du live est Macron président, premières analyses, ils ne vont parler ni de Macron, ni de l'élection de 2017 - à quoi bon, les dés sont joués car les bureaux de vote viennent de fermer. Ils sont tout entier à nous faire peur avec la peste brune, qui progresse, et surtout qui pourrait gagner 2022. Déroulé.

Une couche de cosmétique pour s'embellir (et se cacher)

Dans son introduction Edwy Plenel vend le journalisme de Mediapart comme indépendant, sérieux, complet et participatif. Consternation (comme dirait Souchon).

Indépendant.? Assurément, mais de qui.? Pas des soutiens de Macron.!

Sérieux et complet.? À ceci près que pendant cette campagne présidentielle, Mediapart a concentré son action sur Macron et Le Pen. L'un en pour, l'autre en contre, même si parfois ils sont plus subtils que ça. Tout à leur monde binaire, ils ont fait l'impasse sur Mélenchon... et même Hamon. Ou alors seulement pour revenir sur leur non-alliance qui allait les faire perdre. En se gardant bien d'expliquer pourquoi l'alliance était impossible (il aurait fallu parler des idées de l'un et de l'autre, ce qui était proscrit). Sinon alors, les petits candidats, qu'es aquo.?

Par exemple, sans parti pris aucun, Mediapart commence la série de ses émissions politiques avec Macron le 3 novembre 2016 et termine le plus naturellement du monde avec Macron le 5 mai 2017. J'apprends qu'il va faire un point tous les ans avec eux durant tout le quinquennat. C'est cadeau du Président.

Participatif.? Sauf si vos commentaires ne plaisent pas, car Mediapart coupe et censure. Ce faisant le journal rédige aussi les forums en filtrant les avis de ceux qui peuvent s'exprimer ou pas. La censure dans les forums est le summum de l'arnaque participative. Vous croyez vous croyez vous ouvrir sur les autres, en fait on vous enferment. Vous croyez lire d'autres lecteurs, en fait vous lisez Mediapart. Quand ils vous censurent ils ne ne se donnent même pas la peine de vous dire pourquoi. Ils coupent. Ils débranchent le micro, vous pouvez toujours gueuler, plus personne ne vous entend.

La ligne de Plenel et d'Albert Londres

Plenel en toute modestie, s'accapare un peu de l'ADN d'Albert Londres en faisant sienne sa ligne, comme Sarkozy cite Jaurès. Ce faisant il prend soin de remettre Londres dans le contexte de son époque ...les années 20, qui annonçaient aussi beaucoup d'inédits et beaucoup d'inquiétude et d'alarme... (ça sert son message anti-FN qui va suivre). S'associant à son glorieux aîné, il précise que le journalisme c'est chercher l'information, chercher l'information d'intérêt public, penser contre soi-même, se bousculer, bousculer parfois ses propres lecteurs.

Autant je vois un peu ce qu'il veut dire à propos de chercher l'information (les affaires) autant j'ai du mal avec le penser contre soi-même, mais par contre je vois très bien le bousculer ses lecteurs. Est-ce que la campagne de Mediapart pour Macron était une façon pour ses journalistes de penser contre eux-mêmes.? Est-ce que le traitement réservé à Mélenchon était une façon de bousculer ses lecteurs.? Certainement et pour ma part j'ai été tellement bousculé que j'ai résilié mon abonnement.! Bye-bye.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes, oui enfin les bons

Plenel cite les chiffres principaux de la soirée, 65, 35 et 25, Macron, Le Pen et les abstentionnistes... total 125.! Il place côte à côte les votes exprimés pour Macron et pour Le Pen et les inscrits abstentionnistes, comprenne qui peut.

Il pourrait se référer aux seuls inscrits et alors nous aurions, 44&% pour Macron, 25% pour les abstentionnistes, 22% pour Le Pen et 9% pour les bulletins nuls et blancs. Ah, mais problème, Le Pen serait la troisième force du pays et non plus la deuxième. Impossible de présenter les choses comme ça, le message de Mediapart perdrait trop en efficacité.

Plenel pourrait facilement jeter un œil sur france-politique.fr et constater que le taux de nuls et blancs n'a jamais été aussi élevé avec un extraordinaire 9%. Personnellement je pense que les nuls et blancs sont beaucoup plus significatifs que les abstentions, avec les premiers les gens parlent, avec le second ils méprisent le tout au point de ne pas se déplacer.

Chez Mediapart on est différents.!

Pas de bla bla bla des politiques, pas de petites phrases, non, pas de réactions aussi vite prononcées, aussi vite oubliées, mais des chercheurs.! annonce Plenel. Car quand Mediapart fait de la télé, ce n'est pas la même chose que les autres avec leur brochette d'experts recyclés. Les experts de Mediapart sont des scientifiques - je ne suis pas certain que ce soit beaucoup mieux, surtout quand on les utilise de la même façon, c'est-à-dire comme des mégaphones pour ses propres idées, comme des faire-valoir médiatiques.

Aujourd'hui il y en a trois sur le plateau.: un spécialiste du FN, un spécialiste de la droite et un spécialiste du PS (tel qu'annoncé par Plenel à 5"24', et non pas spécialiste des gauches comme annoncé sur la page YouTube de ce live). Pourquoi ce choix.? Pourquoi pas de représentant de FI par exemple... parce que c'est comme ça que Mediapart opère, i.e. opère comme tous les autres, finalement. L'objet ici n'est pas de faire l'analyse de l'élection de Macron, comme nous pourrions le croire avec ce titre Macron président, premières analyses, ni même de faire le point sur la présidentielle 2017. Non, l'objet est déjà de faire peur pour celle de 2022. L'opinion, ça se travaille sur la durée.

Première place est faite au FN

D'ailleurs pour commencer, Stéphane Alliès est invité par Plenel à donner la parole à Joël Gombin, le spécialiste du FN - en premier donc, drôle d'endroit pour commencer un plateau sur Macron président. Il pose sa question à 5"50' sans oublier de mentionner quelques concepts clés : plafond de verre, 35% score inédit, faille possible dans le plafond de verre, et 35% c'était impensable il y a cinq ans ...

Question qui se veut tout à fait neutre, mais qui ne l'est pas, et qui en plus contient sa propre réponse. Je me demande même comment le chercheur peut accepter de jouer le rôle qu'on lui fait jouer (il a un bouquin à vendre.? Une célébrité à construire.?). Lequel des deux informe ici, le journaliste ou le chercheur qui lui sert de caution.? En fait on a un peu le sentiment que le journaliste, à qui on doit ce dispositif, fournit aussi le kit-réponse avec les pointillés à suivre. Même si la réponse est parfaitement téléguidée grâce au calibrage et au fléchage de la question, il y a toujours un risque à poser des questions trop ouvertes. Ouf.! Grâce à la préparation en amont, le scientifique (embedded?) approuve et choisit la réponse toute faite en suivant lesdits pointillés. Un peu comme un sondé influencé par l'orientation des questions du sondeur. Sauf qu'un sondé et un chercheur ce n'est pas la même chose. Passons.

Feinte complicité un poil surjouée, il se rebelle en chouinant un peu sur l'expression plafond de verre qui ne lui semble pas adaptée. C'est énorme, ou plutôt c'est prévu, car il commence sa réponse avec d'abord effectivement, je ne suis pas très fan de cette expression. Même dans la rébellion, l'invité est d'une grande docilité et confirme les propos de ses maîtres. Good boy! Heureusement pour les journalistes, l'universitaire reprend l'intégralité du message clé (6"46') Je crois que le résultat de ce soir (...) c'est effectivement un record historique dans l'histoire du Front national (...) ce qui est de très loin le meilleur score que le Front national n'ait jamais obtenu à une élection nationale a fortiori à une élection présidentielle dans ce pays dit-il en remuant la tête, le corps impliqué pour appuyer ses propos.

Enfoncer le clou et passer très vite à autre chose

C'est pile-poil le moment choisi par Plenel pour reprendre la main - c'est-à-dire au moment où le scientifique ayant dit à Allies ce qu'il voulait entendre, allait peut-être développer son analyse, genre une analyse de spécialiste du FN ;-) Mais Plenel le coupe et l'empêche, car ne pas le faire serait prendre le risque de diluer le message principal, à savoir.: le FN a perdu, mais il faut avant tout parler de sa fantastique réussite, c.-à-d. la fille a doublé le nombre d'électeurs du père. Donc, relance Plenel, c'est la première fois, dans notre histoire républicaine, que l'extrême droite a ce score, propos confirmé par un, ouais, de Joël Gombin. Job done et redone.! Ceinture et bretelles.

Dans les minutes qui suivent, l'universitaire aura beau temporiser la réussite de Le Pen, c'est trop tard, déjà la caméra divague et impose un multi-tâche qui perturbe l'auditoire à coup de gros plan sur un dessin-en-train-de-se-faire. Le réalisateur occupe les téléspectateurs, pendant que le chercheur développe sa réponse. Vous savez comment ils sont ces experts, toujours en train de préciser et d'affiner leurs propos et d'en faire quelque chose de compliqué, voire de se contredire, les journalistes n'aiment pas ça, ça brouille leur message. Puis, toujours multitasking sur les propos du chercheur, le réalisateur fait dans l'auto-promotion du journal en montrant plein écran, un ancien article dont le titre permet de recentrer encore une fois tout le monde sur le message clé de Mediapart 2002, un avant et un après dans l'histoire du Front national.

Gros plan, plein écran, recentrage, à ce moment-là tout est fait pour mettre au second plan le chercheur, pour diluer son message qui risque de relativiser le message clé. Il a porté sa petite graine à l'édifice médiatique, il ne sert donc plus à rien (les médias fonctionnent comme les mantes religieuses). En troublant la seconde partie de la réponse du chercheur, on donne une respiration à l'auditoire, un petit temps bienvenu pour finir de digérer le message clé qu'on vient de lui servir. Le direct a commencé il y a un peu plus de 8 minutes, ces premières minutes sont celles ou l'attention est la plus haute, de plus l'effroi de l'annonce des résultats n'est pas très loin. C'est le moment idéal choisi par les journalistes pour marteler leur message et le faire cautionner par un universitaire.

La deuxième question, la troisième, etc. sont toujours à Joël Gombin, et encore à propos de Le Pen. Beau travail de peur Mediapart.!