Au Royaume-Uni aussi la question du biais médiatique se pose. Je parle bien de biais, c'est-à-dire de macronite, et non pas de l'attendu favoritisme des journaux pour les candidats qui défendent leur couleur. Est-ce que Le Figaro est pro Fillon.? Oui, mais c'est comme pour le Port-Salut.
Mais l'habit ne fait pas le moine
Ce qui me trouble plus c'est quand un journal se prétend de gauche, mais qu'il joue contre son propre candidat, le jugeant trop à gauche. En fait, le candidat ne serait que vraiment à gauche, car je ne parle pas ici du très très, bien trop à gauche Philippe Poutou. C'est ce que je reproche à Mediapart, qui pendant toute la campagne présidentielle s'est borné à ramener la France Insoumise à son absence de ralliement avec le Parti socialiste. Que les programmes FI et PS soient à l'opposé, que le dernier quinquennat PS ait été une farce, qu'il y ait eu un engouement massif pour Jean-Luc Mélenchon... Rien n'y a fait.
La photo ci-dessous a été plusieurs fois et systématiquement utilisée, sous forme de mini vignette, en Une de Mediapart, pour enfoncer le clou de la non-alliance entre la France insoumise et le PS. Vous remarquerez le teint cadavérique des sujets, et le ciel blafard, on connait pas Photoshop à Mediapart.
Parce que les sondages étaient initialement favorables au candidat du PS, il y a d'abord eu l'injonction de ralliement à Benoit Hamon, puis... quand les courbes se sont inversées, et que lesdits sondages sont devenus massivement favorables à Jean-Luc Mélenchon... eh ben non, il n'y a pas eu de demande de ralliement à Jean-Luc Mélenchon. Ce qui démontre bien que la visée de Mediapart n'était pas que la gauche gagne, mais que le PS gagne, mais j'enfonce une porte ouverte là. Or le PS ce n'est pas la gauche, même si on nous dit en long, en large et en travers qu'il est plus à gauche que Fillon.!
Finalement Mediapart a choisi de participer activement à la campagne médiatique de Macron, plutôt que de mentionner Mélenchon et tout ce qui allait avec (programme, engouement populaire, 6ème République, etc.). Même si, et c'est là que la chose devient absurde, même si Macron n'est pas de gauche, n'avait pas de programme, était inconnu il y a 3 ans, n'avait jamais été élu, ressemblait à une bulle médiatique, etc.
Bref, revenons à la Grande-Bretagne et à la macronite britannique : Labour oui, mais Corbyn, non.! Même symptôme que Mediapart : le PS oui, mais Mélenchon, non.!
Petite histoire actuelle du Royaume-Uni
Au Royaume-Uni la situation est différence, il y a trois grands partis : les Tories (droite), les Libéraux démocrates (droite.?) et le Labour (normalement droite de la gauche, mais vraie gauche avec Corbyn).
Un peu comme la réussite de Mélenchon au premier tour, c'est contre toutes attentes et contre la direction des vents médiatiques, que Jeremy Corbyn a été élu leader du Labour suite aux élections internes de 2015. Il semblerait que beaucoup de gens de la vraie gauche se soient décidés à prendre une carte du Labour, quand ils ont su que Corbyn était candidat. Ses nouveaux membres ou Corbynistas ont assiégé le Labour et l'ont élu, et même bien élu avec 59,5 % des voix dès le premier tour. Mais affaibli par une campagne médiatique hostile et le rejet endogène des caciques du parti, il a dû se représenter à une seconde élection interne en 2016 pour ne pas être dégagé. Mais cette fois, il a obtenu 61,8 % des voix.! Conclusions, plus il joue, plus il gagne, les Blairites1 se sont calmés.
Nous devons maintenant prendre Jeremy Corbyn sérieusement en tant que leader de l'opposition.2 Nick.Robinson
Au sujet du score de Corbyn à sa seconde élection interne en 2016, il y a ce fabuleux tweet du journaliste politique de la respectable BBC, Nick Robinson, traduit ci-dessus par bibi. Et comment était-il pris depuis 2015.? Je me le demande...
La campagne de Corbyn est lancée, jets de tomates médiatiques
Est-ce quelque chose peut être fait au sujet du choquant biais médiatique.?3 Peter.Lazenby
Selon le calendrier des élections en Grande-Bretagne, Jeremy Corbyn, en tant que leader du parti, aurait dû être candidat au poste de Premier ministre pour l'élection générale de 2020, ce qui laissait du temps au temps. Mais Theresa May, l'actuelle Première ministre, a décidé d'anticiper les élections législatives au 8 juin 2017 (à cause du Brexit nous explique-t-elle). C'est pourquoi tout ce petit monde est aujourd'hui en campagne.
C'est donc dans ce contexte que Jeremy Corbyn a présenté son programme lors d'un meeting sur le campus de l'université de Bradford. Plusieurs intervenants se sont exprimés à la tribune dont un ancien journaliste Peter Lazenby, qui a été copieusement applaudi quand il a demandé si quelque chose pouvait être fait au sujet du choquant biais médiatique [dont Corbyn était la victime].?
Après quoi, Corbyn, a ajouté Merci pour votre question. Nous avons remarqué que quelques médias sont... légèrement biaisés à propos du Labour.
Donc tout comme Jean-Luc Mélenchon, Jeremy Corbyn subit le même type de biais médiatique et tout comme les Insoumis, les personnes qui assistaient au meeting, valident l'existence de ce biais en applaudissant massivement. Terrain connu commun, donc.
Mais que nous disent les médias à propos de ce biais dans la presse du lendemain.? Paul Waugh4, rédacteur en chef du service politique du Huffington Post UK et Gaby Hinsliff5, chroniqueuse au Guardian, reviennent en cœurs (les médiacrates agissent souvent en meute) sur le biais notifié par Peter Lazenby, en citant sa question mot pour mot.
Coup de griffe qui compte double lorsqu'ils pointent tous les deux, dans deux journaux différents, que cette question ne manquait pas de saveur
pour l'un et l'ironie de [la] question
pour l'autre. Ils précisent, un peu comme on accuse d'antisémitisme ceux que l'on veut abattre médiatiquement, que le fameux Peter était du Morning Star ... Un affreux journal à la solde des communistes.!
Paul Waugh informe ses lecteurs de la coupable connexion avec un journal dont la ligne éditoriale était ancrée dans le programme politique du parti communiste de Grande-Bretagne.
Gaby Hinsliff de préciser peu [de ceux qui applaudissent] semblent avoir à l'esprit l'ironie que cette question est posée par un homme du Morning Star, un journal dont le parti communiste de Grande-Bretagne était le propriétaire
.
Donc pour Waugh et Hinsliff, deux journalistes du courant dominant de la presse dite de gauche, le simple fait pour un journal d'être ouvertement communiste suffit à excommunier ses journalistes. Mais pourquoi donc.? Ce qui me pose problème à moi, lecteur du Guardian, du Huffington Post et de Mediapart, ce n'est pas que le Morning Star et l'Humanité aient une couleur politique affichée, mais plutôt que des journaux qui se prétendent de gauche n'en soit pas et vont même jusqu'à jouer contre les candidats de la vraie gauche comme Mélenchon et Corbyn. Ce qui me gêne c'est qu'il y a bel et bien tromperie sur la marchandise. Ce qui me gêne encore plus, c'est qu'ils ne l'admettent pas, alors que cela saute aux yeux.
Theresa May doit faire plus que juste dire qu'elle n'est pas Jeremy Corbyn [pour gagner l'élection NDLR]. Gaby.Hinsliff
Toujours pour Gaby Hinsliff, mais dans un autre article 6, ressembler à Jeremy Corbyn pourrait suffire à repousser les électeurs, du moins dans l'esprit de Therresa May, puisqu'elle dit que c'est le - seul - moyen utilisé par cette dernière pour faire campagne. C'est un peu tordu, car il est évident que Theresa May fait bien d'autres choses en plus de se différencier de son concurrent. Cependant l'argument de la journaliste, permet d'amener l'idée en creux qu'il serait possible de faire campagne uniquement en expliquant que l'on n'est pas Jeremy Corbyn. En tout cas, ce titre rend la chose possible et suffisante, car Theresa May ne ferrait que ça. Bref, tout le monde en prend pour son grade, la Première ministre passe pour une idiote, et Jeremy Corbyn pour celui à qui il suffit de ressembler pour de rater une élection. Nous comprenons que ni May ni Corbyn ne sont des candidats de choix pour Gaby Hinsliff.
1 Les Blairites sont les soutiens de Blair (Premier ministre de 1997 à 2007) et donc les caciques à la droite du parti, un peu comme les soutiens de Valls à la droite du PS.
2 Version originale de Nick Robinson We must now take Jeremy Corbyn seriously as leader of the opposition.
ici.
3 Version originale de Peter Lazenby Can anything be done about the shockingly biased media?
ici et ici.
4Jeremy Corbyn's Labour Manifesto Launch: The Rock Star Lecturer Hits Bradford's Campus, Paul Waugh, Huffington Post United Kingdom, 16 mai 2017.
5Is Labour fighting 'shocking' media bias or does it need to get its act together?, Gaby Hinsliff, Guardian, 20 mai 2017.
6Theresa May must do more than just say she's not Jeremy Corbyn, Gaby Hinsliff, Guardian, 23 mai 2017.