Magazine Politique
Un souvenir, presque personnel. J’étais correspondant de TF1 en Allemagne et l’on m’invita à accompagner Helmut Kohl, sans mon équipe, sans caméra, ni micro, tout seul, pendant une journée au cours de la campagne des premières élections de l’Allemagne réunifiée en décembre 1990.Rendez-vous tôt à la Chancellerie à Bonn. Là on nous explique. Tout va aller très vite. Vous devez rester collés au Chancelier, sinon vous serez expulsés de son cercle de sécurité. Ça arrive parfois même à des ministres, et alors on ne les attend pas, ils rentrent en train. Helmut Kohl arrive, physique et poigne de sumo. Et ça démarre, hélicoptère jusqu’à l’aéroport de Cologne, puis avion de la Luftwaffe. Dans son entourage, un secrétaire note tout, y compris nos consommations. Car ce déplacement est un voyage électoral et tout, y compris mes consommations, sera ensuite intégralement remboursé à l’Etat par la CDU, le parti de Kohl.Toute la journée dans l’est de l’Allemagne jusqu’à Rostock, ce fût un marathon où chaque fois se reproduisaient les mêmes scènes: La porte de l’avion s’ouvre et 5, 4, 3, 2, 1, nous foncions au travers de foules enthousiastes, où tout le monde voulait serrer la main ou même seulement toucher le Chancelier de l’unité.
Dernier discours, dernier bain de foule, nous sommes dans l’avion du retour, épuisés. Kohl est assis à gauche, il occupe deux places. Il me fait asseoir à sa droite. Il se met à l’aise, tombe la veste, se met un petit gilet, retire ses chaussures, on lui apporte des saucisses et un grand verre de bière, son appétit d’ogre n’est pas une légende ! -Il se tourne vers moi et me dit avec un grand sourire : « C’est le meilleur moment de la journée, non ? ». Et dans l’heure de retour vers Bonn, dans le ciel de l’Allemagne, je ne me souviens plus exactement ses mots, mais il me parla d’Histoire, de son enfance, de la guerre, de l’Europe.