Photographie Florence Reynaud
Retour de la rubrique Interview sur Bretzel &
Café Crème avec une nouvelle série de portraits franco-allemands.
Gerhard Weber, en
France depuis 30 ans, et chef du restaurant allemand Le Stube à Paris
nous a ouvert les portes de son établissement rue de Richelieu. Une clientèle
d’habitués et de touristes se presse dans son restaurant, tant pour ses
spécialités germaniques que pour son accueil chaleureux. Rencontre avec un
artisan au grand cœur qui aime faire découvrir sa culture et son pays au
travers de sa cuisine...
Bonne lecture à tous et viel Spaβ !
Bonjour
Gerhard. D’où venez-vous en Allemagne ?
Gerhard
Weber : Je suis originaire
de Sachsenberg, un village de 1000
habitants dans la belle région de la Hesse, au nord de Francfort. C’est une
région agricole au climat relativement rude et aux paysages variés. J’aime y
faire de grandes balades au milieu des forêts, de la campagne, des pâturages
avec des vues imprenables sur les collines. Dans ce village, la boulangerie familiale Weber transmise, agrandie et modernisée de génération en
génération est toujours en activité, dirigée par mon frère.
Quels
sont vos premiers souvenirs en cuisine ?
Gerhard
Weber : J’ai eu mes
premiers vêtements de boulanger alors que je savais à peine marcher et il me
fallait un tabouret pour atteindre le plan de travail mais quelle fierté de se
lever au milieu de la nuit pour accompagner mon père au laboratoire. Mes
premiers souvenirs sont associés au toucher, au pétrissage de la pâte et puis
les odeurs… celle des viennoiseries encore chaudes et garnies de gelée
d’abricot ou celle si caractéristique du pain de seigle à peine sorti du four.
Comment
êtes-vous arrivé en France ?
Gerhard
Weber : Après mon apprentissage
en boulangerie de 16 à 18 ans dans la petite ville de Korbach et quelques mois
dans la boulangerie familiale, je suis parti faire de la pâtisserie d’abord à
Bonn (à l’époque capitale de l’Allemagne) puis à Dusseldorf chez Bittner, une
pâtisserie très renommée. Connaissant mon goût pour la France, mes collègues
m’ont montré une annonce parue dans un journal professionnel pour un poste à la
Pâtisserie viennoise à Paris dans le 17ème arrondissement. Je suis
arrivé en France en juillet 1986 pour un CDD de 6 mois.
Ce qui
vous a surpris en arrivant en France ?
Gerhard
Weber : Lorsque je suis
arrivé à Paris, j’ai été surpris et séduit par le côté cosmopolite de la ville,
cette sensation de pouvoir faire le tour du monde en une journée en restant au
même endroit.
Pourquoi
êtes-vous resté en France ?
Gerhard
Weber : Il y avait une
place à prendre dans cette affaire familiale et puis j’ai rencontré la fille de
la maison, Sylvie, alors gestionnaire de l’établissement… qui est devenue ma
femme. Nous avons repris le flambeau de la Pâtisserie Viennoise avant de créer
une nouvelle enseigne, le Stübli, qui est vite devenu un lieu incontournable
pour les amoureux de la gastronomie allemande. En 2008, nous avons cédé le
Stübli et après une année sabbatique, nous avons créé un nouveau concept de
gastronomie franco-allemande, le Stube installé depuis 2010 dans le 1er
arrondissement à Paris.
Avez-vous
eu un mentor en cuisine ? Un ouvrage de référence ?
Gerhard
Weber : La période de
l’apprentissage n’a pas été tendre pour moi mais j’ai appris avec chacun et je
continue à apprendre encore aujourd’hui. Un geste, une attitude,
l’apprentissage des techniques traditionnelles, en regardant par-dessus
l’épaule des chefs des bonnes maisons parisiennes où j’effectuais les livraisons
pour le compte de la pâtisserie viennoise. Mon expérience, je la dois à la
somme de toutes ces rencontres franco- allemandes.
Avant de quitter l’Allemagne, j’ai reçu en cadeau
un livre de cuisine de Gaston Lenôtre. Je l’ai beaucoup feuilleté… mais je n’ai
jamais suivi une recette à la lettre !
Vos
sources d’inspiration ? Comment créez-vous une nouvelle recette ?
Gerhard
Weber : L’inspiration vient
en me promenant, en goûtant, en essayant. Mon approche de la cuisine d’Europe
centrale est faite d’amitiés franco-russes, de rencontres et de voyages ciblés
à Vienne ou à Prague pour voir ce qui s’y passe. Tous les voyages sont source
d’inspiration et me donnent de nouvelles idées. Lorsque que je crée une recette
en pâtisserie, je note mes essais dans un petit cahier. Il s’agit d’une trame,
ensuite je raye, je gribouille, j’annote. Et je conserve précieusement mes
carnets que je ressors plus tard pour les consulter.
Quel est
votre plat fétiche ?
Gerhard
Weber : Ma madeleine de
Proust, c’est le Armer Ritter (pain
perdu en allemand) que nous préparait ma maman le mercredi midi. Ce jour-là, le
déjeuner était sucré, c’était la tradition. Du pain trempé dans du lait et de
l’œuf, pané puis revenu à la poêle. Accompagné d’un sabayon, c’est tout
simplement divin ! Je suis également un grand fan de la pomme de terre
sous toutes ses formes. Je vous conseille de gouter des pommes de terre cuites
en croûte de sel et accompagnées de fromage blanc, c’est délicieux.
Une bonne adresse à Paris ?
Gerhard
Weber : Nous sortons rarement
au restaurant car nous apprécions de nous retrouver chez nous à la maison. Mais
ce que nous aimons à Paris, c’est l’ambiance d’une brasserie ou d’un bistrot,
proposant de bons produits et de la cuisine traditionnelle. J’aime bien allez
chez Georges rue du Mail.
Le
Stube, une ambassade culinaire ?
Gerhard
Weber : En fait, il y a
différentes clientèles au Stube en fonction des jours et des heures. Certains
arrivent grâce au bouche à oreille, d’autres nous découvrent via les réseaux
sociaux. Et les habitués du quartier se mêlent aux touristes qui, appréciant
l’ambiance et la cuisine allemande, en font leur cantine le temps de leur
séjour. Je propose une cuisine simple, préparée avec des ingrédients de
qualité. Mon objectif est de rendre la cuisine allemande accessible et cela
fonctionne, les gens ne restent pas indifférents. Un touriste m’a fait ce
compliment dernièrement : « Je
ne savais pas qu’on mangeait si bien en Allemagne ! »
Votre
german touch ?
Gerhard
Weber : Contrairement aux
clichés, je ne suis pas l’exemple même de la rigueur allemande. Mais j’attache
beaucoup d’importance au respect envers autrui, à l’ouverture et au sens de
l’accueil En voiture, je suis discipliné…même si j’oublie parfois les
limitations de vitesse sur l’autoroute !
Votre
mot préféré en allemand ?
Gerhard
Weber : gemütlich. J’ai beau cherché, il n’y a pas d’équivalent en français.
Plutôt
voiture ou vélo ?
Gerhard
Weber : Ni voiture, ni
vélo. J’adore marcher dans Paris.
Plutôt
bière ou vin ?
Gerhard
Weber : J’apprécie de boire
une bière pendant la journée et de déguster un bon vin en soirée. J’ai appris à
connaitre et à apprécier les vins depuis que j’habite en France.
Quel est
votre rythme en semaine ?
Gerhard
Weber : En semaine mais
aussi le samedi, je suis debout de bonne heure, de très bonne heure même,
autour de 4h45. Le soir, je tache d’être rentré à la maison à l’heure du diner.
Cependant, chaque journée est différente et le rythme est donné par le travail.
Quel est
votre rythme le week end ?
Gerhard
Weber : Le week end, je me
lève de bonne heure pour profiter du calme et je joue du piano. Ma journée est
faite de plaisirs simples : promenade avec les chiens, un petit tour à la
boulangerie où je croise les voisins. Après un déjeuner, l’après-midi
s’articule entre rangement et jardinage. Le dimanche soir, nous dinons de bonne
heure en famille.
Etes-vous
connecté ?
Gerhard
Weber : Le soir, j’utilise
la tablette pour prendre connaissance des informations et pour écouter de la
musique. Je me balade sur le net, casque vissé sur la tête, pour trouver des
sons qui me font vibrer.
Un
secret non avoué…mais avouable J ?
Gerhard
Weber : Avec la musique,
nous abordons un sujet sensible et un univers très personnel, univers que je
partage avec les membres de ma famille. La musique provoque en moi l’évasion
mais également l’émotion. La musique que je joue au piano le matin reflète
complètement mon humeur. J’aime la musique classique mais j’apprécie également
la musique électronique et synthétique, qui vient souvent d’Allemagne.
Et pour
conclure ?
Gerhard
Weber : Je suis et reste un
allemand. Mais un allemand à l’aise au sein de la société française, un
allemand baigné et imprégné de la culture de ce pays qui est le mien depuis 30
ans.
Mon
grain de sel
La prochaine que vous allez au Stube, dites à
Gerhard que vous venez de ma part…
Mémo
en V.O. : pain de seigle - das Roggenbrot
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