Zéno Bianu publie Un univers funambule aux éditions Gallimard.
CHANT DE LA SECONDE INTERCALAIRE
30 juin 2015
il est
23:59:60
les horloges atomiques
du monde entier s'arrêtent
le temps d'une seconde
je passe vite si vite
je suis la toute flottante
celle qui glisse
et re-glisse en phase
avec la rotation de la Terre
délibérément
minuscule
j'apparais —
moi seule sais renouer
le collier des temps
je file et danse
entre les secondes
là où il n'est
jamais vraiment
minuit
chaque fois que la
Terre
s'obstine à
ralentir
je bats la démesure
je relance sans fin
la toupie planétaire
sinon dans dix mille ans
il ferait nuit
en plein midi
car la Terre
tourne et s'en retourne
moins
vite
irréversiblement
depuis qu'un transperçant
séisme
l'a déviée de son axe —
huit centimètres
pas plus
mais de
gigantissimes
centimètres
de géant
gigantal
à quoi songe
la minute
lorsqu'il lui faut
soixante et une
secondes
pour s'accomplir
au plus juste
et remettre
toutes les pendules
à l'heure
à propos d'heures
justement
on murmure
que les miennes sont
comptées
d'un seul saut
de trotteuse
que faire d'une seconde
en plus
sinon y plonger
pour entrer tout droit
dans l'envers
de l'univers
et le contempler
sans limites
Zéno Bianu, D’un Univers funambule, Gallimard, 2017, 152 p., 15€, pp. 63 à 65.
bio-bibliographie, lecture aux Parvis poétiques, extrait 1, Pour Elvin Jones (parution), Chet Baker (parution), Variations Daumal (parution), ext. 2, Le désespoir n’existe pas (A. Emaz), ext. 3, ext 4, (note de lecture) Zéno Bianu, "Infiniment proche et Le désespoir n'existe pas", "Satori Express", par Antoine Emaz