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Dans sa savoureuse chronique sur Europe 1, Raphaël Enthoven s’est insurgé hier contre le terme Manspreading qui désigne le fait pour un homme d’écarter ses jambes quand il est assis dans les transports en commun. Le philosophe considère ce terme comme sexiste puisqu’il stigmatise les hommes, alors que certaines femmes l’adopteraient aussi, même si c’est plus rare.« Le manspreading…Ca ne fait pas de l'homme en soi un animal qui par définition s'assoit de cette manière »observait-il.
Est-ce que les animaux de sexe masculin écartent les jambes en position assise ?
Effectivement, les singes en particulier sont adeptes de cette posture. Plus intéressant encore,l’éthologie des primates nous éclaire sur la signification de cette pratique : chez nos cousins elle ne relève pas d’un souci de confort mais plutôt d’un jeu de pouvoirs.
Il y a presque 30 ans déjà, Shirley Strum[1], une primatologue spécialiste des babouins a remarqué qu’en présence de rivaux ou de subordonnés qui menacent leur statut, les singes dominants écartent leurs jambes pour afficher leur pénis en érection, symbole éclatant de leur virilité et de puissance 2.
Les femelles n’étant pas, à ma connaissance…. dotées de cet organe sexuel, l’écartement des jambes, n’a pas la même signification en terme de pouvoir pour elles. On comprend mieux leur rejet du manspreading dans un contexte de lutte contre les inégalités hommes-femmes.
Pourquoi continueraient-elles à accepter ces parades d’intimidation d’autant qu’à l’ère du transport de masse, elles les privent de la jouissance de leur siège ? Elles ne peuvent occuper qu’une moitié de leur place à moins qu’elles ne supportent un contact prolongé avec la cuisse de leur imposant voisin de banquette !
Le manspreading est d’autant plus inacceptable pour nous autres primates humaines, qu’à la différence de nos cousines singes, nous faisons des efforts en position assise, pour garder les jambes serrées ou croisées afin de nous conformer aux codes sociaux. Il ne faudrait pas nourrir « les basic instincts » des voyageurs mâles ! Nous sommes censées contrôler notre comportement en veillant à dissimuler l’entre-jambes et ce, au mépris de notre santé, sciatiques, varices, et autres cystites. Tel est le prix à payer pour cette posture « jambes collées-serrées » tandis que la gent masculine peut adopter des postures physiologiquement plus adaptées, plus relaxantes et qui, cerise sur le gâteau, confirment son statut de mâle dominant.
"L'étalement masculin" apparait donc à la fois comme un héritage de comportements primates et comme le reflet de notre société avec ses codes et les inégalités hommes femmes qui persistent. C’est pourquoi le terme Manspreading qui associe cette pratique aux "mâles" apparaît légitime. Tout comme le combat pour interdire ce comportement.
New York et aujourd’hui Madrid ont lancé des campagnes pour sensibiliser l’opinion sur cette pratique, espérons que Paris et la RATP suivront prochainement leur exemple. Au nom de la lutte contre le sexisme et le harcèlement ou ... plus prosaïquement pour échapper au bad buzz !
[1] S.C Strum, Presque humain,Voyage chez les babouins Eshel, Paris, 1990.