Kat and Alfie: Redwater (2017) : réconcilier deux mondes

Publié le 13 juin 2017 par Jfcd @enseriestv

Kat and Alfie est une nouvelle coproduction entre BBC One et RTÉ de six épisodes diffusée sur les deux chaînes à quelques jours d’intervalle depuis la mi-mai. Redwater est en fait une ville fictive d’Irlande où Kat (Jessie Wallace) et Aflie (Shane Richie) s’installent avec leur jeune fils Tommy (Henry Proctor) pour une période indéterminée. Officiellement pour prendre des vacances, officieusement, Kat est à la recherche d’un autre fils qu’elle a dû donner en adoption alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Inévitablement, elle tombera sur les Byrne, une proéminente famille de la région qui abrite parmi les siens l’être en question. Cette intrusion forcée dans leur intimité fera plus de ravages que de bien de ce que l’on peut en conclure pour le moment. Si Kat and Alfie prend peut-être un peu trop de temps avant de nous engager là où elle le désire, on est assez intrigué par cette tension qui monte lentement, mais sûrement pour continuer l’aventure. Reste qu’on ne peut faire fi de nombreux trous au scénario : conséquence des amalgames de deux genres peu conciliables ?

De thriller à mélodrame

Le père de l’époque ayant pris les voiles, Kat n’a même pas eu le temps de voir son fils qu’il était déjà confié à une famille d’adoption d’Irlande. Bien décidée à le retrouver, elle ne dispose que d’un indice : une carte postale de Redwater qu’on lui avait envoyé à l’époque pour lui signifier que sa progéniture était tombée entre de bonnes mains. C’est donc avec cette seule information qu’avec son mari ils se mêlent au village qui est en plein festival du printemps. Kat éprouve une véritable révélation à la vue d’un certain Andrew (Peter Campion). Persuadée qu’il s’agit de son enfant, elle mène une petite enquête auprès de sa mère Roisin (Maria Doyle Kennedy) et sa grand-mère Agnes (Fionnula Flanagan) qui se méfient évidemment. C’est Lance (Ian McElhinney), le mari de cette dernière à qui Kat dévoile le but de sa visite. On apprend plus tard que ce n’est pas Andrew, mais son cousin Dermott (Oisin Stack) qui est son véritable fils. Désormais prêtre, sa mère (adoptive) a péri avec un autre enfant dans un accident tragique en mer il y a 14 ans, mais les circonstances de cette mort demeurent obscures. Instable psychologiquement, lorsque son grand-père Lance le renseigne sur son réel passé, Dermott le tue sans laisser de traces. Dès lors, avec cette disparition s’ouvre une boîte de Pandore qui s’avérera impossible à refermer.

L’une des principales qualités des séries anglaises est que lentement, mais sûrement on bâtit une solide ambiance pour ces courtes séries qui pour la plupart parviennent à nous hypnotiser jusqu’en fin de saison. C’est peut-être en raison de cette bonne réputation que l’on est si patient avec Kat and Alfie, mais il faut avouer que dans un premier temps, il y a de quoi être dérouté. En effet, l’on prend connaissance du secret de Kat assez tôt dans la série et un peu plus tard c’est à Dermott d’apprendre qu’il a été adopté. Le sang nous glace quand on le voit s’en prendre violemment à son grand-père et qu’il le noie dans la mer. Le prêtre estime avoir exécuté la justice de dieu et pire encore, lors d’un flashback remontant à l’accident de bateau, on le voit enfant lâcher délibérément la main de sa mère qui sombre au fond de l’océan. On se dit qu’on a affaire à un désaxé doublé d’un tueur en série, mais dans l’épisode suivant, l’adrénaline n’est plus vraiment au rendez-vous et on a l’impression que le récit tombe à plat. Puis, petit à petit, on nous amène dans une direction opposée sans directement dévier de la première. Dermott devient un protagoniste d’importance égale aux autres membres de sa famille qui eux aussi cachent beaucoup de choses et rongent leur frein : jalousies, tromperies, relations à la limite de l’inceste, trauma, etc. Dès lors, les multiples réunions des Byrne qui mêlent à la fois faste et de bonhomie nous semblent de plus en plus factices. Il ne fait aucun doute qu’ils dansent tous sur un volcan et on veut être aux premières loges lors de l’éruption.

Le soap qui rencontre « l’Irish Noir »

Bien que dans son ensemble les épisodes se concentrent davantage sur le clan Byrne, on pourrait s’étonner aux premiers abords que ce soient Kat et Alfie qui figurent au titre de la série. C’est que ces deux personnages sont bien familiers du public anglais puisque de 2002 à 2005, puis de 2010 à 2016 ils faisaient partie de la distribution régulière d’EastEnders; un soap de début de soirée en ondes sur BBC One depuis 1985. L’avantage est qu’en plus de s’assurer un bassin d’auditoire, on a l’opportunité d’approfondir à son plein potentiel l’intrigue du fils donné en adoption. Cela dit, ce cross-over ne se fait pas sans heurts, notamment au niveau des genres. Sans dénigrer le soap, pour qu’il ait une si longue durée de vie il ne faut pas être à court de nouvelles histoires, quitte à ce que la crédibilité en prenne un coup. Or Redwater, en raison de son budget et de ses visées à l’étranger en terme de vente entre dans la collection des « pure drama » de BBC, soit, la crème de la crème…

Pourtant, certains dialogues et mises en situation sont difficiles à avaler, comme la manière trop peu subtile de Kat d’investiguer sur celui qu’elle croit être son fils. Elle pousse même l’affront en s’invitant aux célébrations suivant l’enterrement de Lance. Furieuse, Agnes (qui a été mis au courant) a une discussion franche avec elle alors que Dermott qui n’est pas censé savoir de quoi il en retourne se trouve à leurs côtés, comme si elles ne s’en apercevaient pas. Une fois la vérité découverte en fin d’épisode, au début du troisième on retrouve Kat et lui riant de bon cœur comme s’ils étaient des copains de longue date. Reste Peter (Stanley Townsend), le père de Dermott qui est bien le seul de la famille à ignorer qu’il n’est pas son fils biologique, mais c’est à peine si les deux autres cachent leurs retrouvailles. Disons que pour la discrétion on repassera. Sinon, au niveau du casting, certains personnages de la deuxième génération sont si jeunes qu’on a de la difficulté à s’imaginer que plusieurs années les séparent de leurs enfants et dans une famille aussi nombreuse il faudrait presque prendre des notes.

Dans un premier temps, la stratégie du cross-over aura porté fruit puisqu’ils étaient 5,12 millions de téléspectateurs présents devant leur écran pour la première de Kat & Alfie : Redwater. Elle se classe ainsi au 12e rang des émissions les plus regardées de la semaine du 15 au 21 mai, soit, tout juste sous l’épisode d’EastEnders diffusé le même soir. Par contre, la semaine suivante, la fiction a glissé au 24e rang avec un auditoire de 3,47. Reste que rien que pour voir la marmite sauter, un petit effort supplémentaire de visionnement ne sera pas de trop !

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