Petite anthologie des gags de Lagaffe (1) : un amour de requin

Publié le 13 juin 2017 par Sylvainrakotoarison

" Pourquoi fait-on des dessins affreux ? Je crois que c'est surtout pour le plaisir simple et bête de faire des grimaces... En cherchant un peu plus loin, on trouverait peut-être que c'est pour transformer en gag la crainte du vieillissement, de la maladie, du cercueil ! " (André Franquin).

Il y a soixante ans, le 13 juin 1957, est paru le 1000 e numéro du "Journal de Spirou". C'était alors l'occasion de publier le premier gag d'un célèbre employé de bureau, Gaston Lagaffe, venu travailler aux éditions Dupuis on n'a jamais su trop comment ni pourquoi. J'avais déjà évoqué la figure de Gaston Lagaffe il y a quelques mois. Entre temps, un de ses talentueux collaborateurs, Jidéhem, spécialisé surtout dans les décors de cette bande dessinée, a souhaité rejoindre Franquin au paradis des auteurs de BD.
Je profite alors de cet anniversaire pour proposer une petite anthologie des gags de Gaston Lagaffe, une modeste sélection très arbitraire qui m'a paru assez représentative du mythe qui s'est forgé en moi. Car ce garçon aux jeans de taille basse qui laissent le nombril à l'air (c'était très visionnaire à l'époque) a accompagné, tel un grand frère un peu gauche, toute mon enfance et a participé, par défaut, à une partie de mon éducation.
Le temps de la mondialisation semble à l'opposé de cette petite vie pépère de bureau où les improductifs avaient encore droit de cité. D'ailleurs, le mot "improductif" devrait être correctement défini, car Gaston n'est pas vraiment un improductif.

Certes, il est le contemplateur des siestes pendant les heures de bureau, mais son ingéniosité donne beaucoup d'idées pour créer de l'activité économique, au point même qu'un jour, montrant un très beau coucou en forme de capsule spatiale, il a réussi à faire détourner Monsieur De Mesmaeker de son fameux contrat avec Dupuis pour commencer à rédiger un autre contrat destiné justement à la commercialisation de cette pendule qui l'avait séduit.
Lagaffe a d'ailleurs toutes les qualités de l'idéaliste, celui qui aime la nature, qui pense à la hiérarchie des choses, sans avoir le nez sur le guidon, qui a du recul pour comprendre les choses importantes de la vie, qui est généreux et serviable, aidant une vieille tante ou un copain en difficulté. En ce sens, il est un altermondialiste avant l'heure, sans pour autant être partisan du repli sur soi ou du protectionnisme (car curieux de tout, Gaston aime la nouveauté, la modernité et aussi, donc, les gens venus d'autres mondes).
Je commence ici très brièvement avec quelques gags concernant justement le Gaston au grand cœur. Il a notamment pour ami Bertrand Labévue qui déprime beaucoup. Le thème de la dépression (on dit aujourd'hui burn out) n'est pas vraiment traité si ce n'est pour en voir les effets parfois amusants. Ce qui est intéressant, c'est que Gaston ne change pas de comportement avec un "dépressif" par rapport à un "non dépressif".
Ainsi, on le voit parlementer avec Labévue qui a un manque évident de confiance en lui.

La personne qui compte sans doute le plus au cœur de Gaston, c'est une collègue de bureau, Mademoiselle Jeanne, qui est archiviste. Elle est complètement fascinée par ce fabriquant de gaffes en série, et les deux s'aiment un peu, mais très timidement : jamais de tutoiement, pas de bisou sur la bouche, beaucoup de rouge de confusion quand les élans du cœur sont exprimés trop explicitement. Bref, mai 1968 n'est pas encore passé, et sur ce plan-là, la série laisse un petit goût de ringardise assumée tout en donnant du charme aux échanges platoniques.
Gaston n'hésite jamais à rendre un service à Mademoiselle Jeanne, si bien qu'un jour, il lui propose de réparer la fermeture éclair de sa housse de vêtements. Pour cela, il lui demande d'entrer à l'intérieur, ce qui lui vaut d'être un "garçon qui l'emballe". Finalement, Mademoiselle Jeanne reste coincée à l'intérieur de la housse et rien n'est réparé, mais elle ne lui en veut pas !

Parmi les histoires d'amour avec Mademoiselle Jeanne, il y a les rêves. Gaston adore faire des rêves pendant qu'il travaille dur au bureau. Il s'imagine un grand héros du genre de Tarzan pour protéger sa dulcinée subjuguée par le courage et la puissance de son protecteur. Le rêve débouche très vite sur une bataille contre les requins qu'il réussit à tuer un à un.

Le couple est dans l'eau mais peut encore respirer, et Gaston n'hésite pas à tuer à mains nues les prédateurs qui veulent les manger.
Dans un rêve ultérieur avec les requins, il y a une prise de conscience de l'environnement et de la vie animale qu'il faut aussi protéger. Alors, au lieu de tuer le requin, Gaston préfère simplement le domestiquer. Le requin devient alors un cheval docile pour chevaucher l'océan, un peu à la manière d'un film de science fiction. L'amoureuse est totalement conquise : " Je ne sais quelle est la créature qui pourrait vous résister ! "...

Je proposerai la suite de ce petit tour d'horizon des gags de l'ami Gaston, en passant au thème de la cuisine qu'il confond parfois avec la petite chimie amusante.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (13 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu
(Toutes les illustrations sont des dessins réalisés par André Franquin pour les éd. Dupuis).
Pour aller plus loin :
Petite anthologie des gags de Lagaffe.
Jidéhem.
Gaston Lagaffe.
Albert Uderzo.
Cabu.
Inconsolable.
Les mondes de Gotlib.
René Goscinny.
Tabary.
Hergé.
Comment sauver une jeune femme de façon très particulière ?
Pour ou contre la peine de mort ?

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