S’il est un ouvrage prémonitoire et qui explique parfaitement la situation de sidération politique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, c’est bien le « Coup d’Etat permanent » écrit par François Mitterrand en 1964, au moment où De Gaulle trustait tous les pouvoirs, appuyé sur un parti-godillot, le RPF, sorte d’En marche de l’époque.
Il est un fait que la Cinquième République intègre parfaitement à la logique électorale démocratique celle du coup d’Etat, la prise du pouvoir par un individu qui, dans son Olympe élyséen, dieu grec de synthèse, va bénéficier du phénomène majoritaire pour emporter ensuite les autres institutions. L’Assemblée est reléguée au moins un temps en chambre d’enregistrement.
En ce mois de juin 2017, les électeurs, qui ont déjà une tendance naturelle à voter pour un logo, voulaient du Macron, du Macron à tout prix. Les opposants à Jupiter, assommés par la présidentielle et le jeu pervers des médias qui leur disaient qu’un raz-de-marée allait s’abattre sur eux, pour beaucoup ne sont même pas allés voter.
C’est la chambre « Macron-horizon ». On verra de visages nouveaux certes mais aussi pas mal de vieux routiers de la politique élus malgré leurs activités douteuses (Ferrand), ou leur ancienneté magouilleuse (Sarnez).
Les électeurs de Macron voulaient un changement pour le changement, un changement de forme sans courir de risques sur le fond. Tancrèdes à la mode Lampedusa, ils ont voté pour que tout change sans que rien ne change. Qu’on reste bien gentiment dans l’Europe sans faire d’efforts pour redresser les comptes, ou alors que ces efforts soient faits par le voisin. Qu’on fasse de l’état d’urgence sans bousculer le vivre-ensemble, qu’on réforme l’administration sans mettre quiconque au chômage.
Macron est le play-boy qu’ils ont envoyé à Merkel pour obtenir quelques années de grâce supplémentaires, que l’Etat-providence puisse continuer à dilapider. Mais le message de félicitations venu de Berlin, incitant Macron à utiliser sa majorité pour « réformer », nous parle déjà de lendemains qui déchantent, où les électeurs comprendront que ni l’Union européenne ni Macron ne leur épargneront l’austérité.
2 – Faux troisième tour social
Certains espèrent que la CGT fera dans la rue ce que PS et Républicains n’ont pas été capables de faire dans les urnes.
Certes les gros bras de Martinez risquent d’être particulièrement agressifs contre la future loi travail. Mais la droite collaborera par atavisme avec Macron contre les grévistes et les médias conditionneront l’opinion sur le thème de l’illégitimité du refus de réformes portées par une majorité parlementaire.
La nouvelle loi travail sera pour Macron ce que le mariage pour tous a été pour Hollande : un bras de fer courageux en apparence, suscitant beaucoup d’oppositions de surface mais dont il finira par sortir vainqueur car ni les « élites » ni le « peuple » n’ont envie majoritairement de s’y opposer.
Les syndicalistes feraient bien d’être plus malins que la droite ne le fut contre Hollande : éviter le choc frontal et laisser Macron démontrer, par l’échec de sa politique, que les problèmes de la France doivent moins au code du travail qu’à son intégration ratée dans une Europe bureaucratique qui tue nos industries à petit feu.
Mais il est probable que rien n’y fasse et qu’ils fonceront tête baissée vers le chiffon rouge, faisant gagner un an de popularité à Macron.