Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je suis diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce de Marseille (Kedge) et ancien élève d’HEC Montréal. J’ai eu l’occasion de travailler dans différents types de structures. J’ai été intégrateur, business consultant puis chef de projet pendant 3 ans chez IBS France puis manager informatique au sein d’April Group. C’est là que j’ai découvert le coaching. Ce métier m’a tout de suite plu et j’ai décidé de me former aux méthodes de coaching notamment à celles de V.Lenhardt qui a introduit le coaching en France. Suite à cela, j’ai participé à la création d’un cabinet de coaching et team-building du nom de CROIS-SENS (Croyances + SENS) à Lyon.
En 2009, j’ai repris les études avec un Master de Recherche et Thèse en science de gestion que j’ai terminé en 2012 avec une thèse sur le bien-être au travail. Je poursuis mon activité de recherche dans le cadre de 2 chaires de l’IAE de Grenoble : La chaire Management & Santé au travail) et la Chaire Capital Humain et Innovation.
Aujourd’hui, je travaille à 4/5 en tant qu’enseignant chercheur afin de rendre les organisations plus humaines et durables et à 1/5 de mon temps en intervention, notamment avec Nicomak.
Pourquoi la thématique du bien-être au travail vous a-t-elle attiré ?
J’ai toujours beaucoup aimé mon travail. C’est sans doute pour cela. Aristote a dit un jour : « Si tu aimes ton travail, tu ne travailleras pas un seul jour de ta vie ». Le bien-être au travail est un sujet assez récent. On en parle depuis 2010 à peu près. Quand j’ai commencé ma recherche sur ce sujet, tout le monde me demandait pourquoi.
En quoi le bien-être au travail est stratégique pour les organisations ?
Comme dit Henri Lachmann, bien-être et performance sont les « deux face d’une même médaille ». Le lien entre bien-être au travail et performance de l’entreprise passe par le management des hommes et des femmes, la gouvernance et l’organisation du travail. Avec mon confrère Fabien Deloche, on parle de Management durable pour signifier un management endogène pour et par l’humain qui considère le bien-être des êtres humains comme le moyen et la finalité du développement durable.
En 2010, Henri Lachmann (ancien PDG de Schneider Electric), Christian Larose (secrétaire général de la CGT du textile) et Muriel Pénicaud (actuelle ministre du travail) ont publié un rapport précurseur (cliquer ici) qui montre que pour être durablement performant il faut se sentir bien dans son travail. L’étude montre qu’un climat de bien-être au travail permet à une entreprise d’attirer, de retenir et de développer des talents. Cela permet aussi de réduire le arrêts maladies et l’absentéisme. Un meilleur climat social améliore également l’engagement des salariés dans leur travail.
Auriez-vous un exemple à partager ?
En 2015, j’ai par exemple mené une recherche chez SOGILIS (SSII Grenobloise qui emploie une trentaine de personnes) pour vérifier que l’entreprise libérée tenait bien ses promesses de qualité de vie au travail et d’innovation. Nous avons analysé le management de SOGILIS à travers des entretiens avec sa communauté de travail afin de vérifier l’impact du bien-être au travail. On a essayé d’être présent à différents niveaux : participation aux réunions, à la vie dans l’entreprise, observation etc. Le résultat de cette étude a montré que SOGILIS est une entreprise libérée qui favorise la responsabilisation et l’autonomie de ses salariés. Ce sont, par exemple, les équipes qui recrutent les nouveaux arrivants. Les salariés apprécient le confort au travail car ils ont une liberté dans leur organisation du travail, ce qui les motive à être à la fois performants et innovants dans leur travail.
Quelles évolutions a-t-on pu constater dans le management du bien-être au travail ces 5 dernières années ?
Depuis quelques temps, on observe un nombre croissant d’entreprises qui adopte un management agile, de moins en moins pyramidal et de plus en plus en mode projet, avec de la transversalité. Les entreprises libérées, qui responsabilisent et autonomisent les salariés en leur laissant plus de liberté dans leur travail, ont également le vent en poupe. Ce courant touche autant les entreprises privées (Harley DAVIDSON, GORE, LA FAVI) mais aussi le management public (Ministère Belge des Transports, le Ministère de la Sécurité Sociale etc.).
Selon vous, quels seront les principaux défis à relever demain par les organisations en termes de bien-être au travail ?
L’arrivée de la génération Y au travail (40% de la population active en 2020) va bousculer l’organisation des entreprises. La génération Y cherche un travail ou elle se fait plaisir et où elle trouve du sens. Le jeune d’aujourd’hui recherchent un épanouissement au travail, tout particulièrement les français. Pour eux, le plaisir chargé de sens constitue l’horizon d’un travail épanouissant. Je m’amuse à dire que, pour les jeunes, le bonheur au travail est dans le SLIP : Sens-Lien-Investissement-Plaisir. Or, il y a aujourd’hui une véritable crise du sens. Les entreprises doivent développer un leadership qui doit être plus porteur de sens. Pour cela, il faut que l’entreprise soit en capacité de faire vivre et d’animer des espaces de discussion, c’est-à-dire des espaces où managers et opérateurs discutent de l’activité réelle, de ses enjeux, des défis, des conditions de travail, des critères de la performance et du travail bien fait.
Le défi du sens passe aussi par le design d’environnements capacitants et apprenants qui permettent l’activation de processus d’Intelligence collective (Learning Organisation, Sensemaking, Sensegiving, Shared Storytelling etc.) Il faut être plus intelligent ensemble, apprendre à faire mieux avec moins d’efforts et ce, en faisant participer toutes les parties prenantes de l’organisation et en faisant preuve d’agilité. On voit ces tendances apparaitre notamment à travers le courant des Fab Lab, des Makers, du Crowd Innovizing. Il y a derrière cela un véritable défi d’innovation. Par exemple, grâce à ses nombreux partenariats, Apple dispose aujourd’hui d’une communauté de 16 millions de développeurs, qui ont entre 10 et 80 ans et qui lui permettent de créer continuellement de la valeur !
Enfin, je pense qu’il faut aborder la thématique du bien-être au travail dans sa globalité. Par exemple à travers l’outil SLAC qui permet d’aborder le bien-être sous ses 4 dimensions : la création de Sens, le Lien, de l’Activité et du Confort (cf. article Idée Nicomak).
Références pour aller plus loin :
- Abord de Chatillon E., Richard D., « Du Sens, du Lien, de l’Activité et du Confort : une proposition pour une modélisation des conditions du bien-être au travail par le S.L.A.C. », Revue Française de Gestion, N°-41 (249), pp.53-71, mai 2015
- Richard D., Cherkaoui W., Christin J.L., « Des espaces de discussion pour articuler performance et santé au travail » in Quel management pour concilier performance et bien-être au travail, Ed. Karsenty L., Collection Le travail en débat, Octarès, p. 69-90, 2015
- Colle R., Corbett-Etchevers I., Defélix C., Péréa C., Richard D., « Innovation et qualité de vie au travail : les « entreprises libérées » tiennent-elles leurs promesses ? », Management et Avenir, A paraitre juillet 2017