Jacki Maréchal peintre et écrivain nous donne ses impressions à chaud après avoir lu en primeur Mariage d’automne et autres nouvelles de Christian Cottet-Emard paru aux éditions Germes de barbarie :
Une suite de petites histoires en forme de nouvelles, parfois affleurant une impression de contes. Mon ami Christian aime ce genre littéraire. Toutes ces histoires courtes sont composées en textes fugaces dont la force est avant tout une écriture fringante, un langage volontiers svelte et pince-sans-rire. Toutefois, comme d’habitude avec cet auteur, quelque chose prend bien soin de se raconter en lame de fond : la véritable tragi-comédie de l’existence. Ici il est question de la férocité mate des reflets de l’amour banal, celui que tout le monde a pu vivre au cours de sa vie, celui dont on évite de parler parce qu’il est parfois médiocre ou parce qu’il s’est avéré plus narcissique qu’audacieux, avec le recul ─ Et surtout parce que nos petites histoires n’en valent pas la chandelle… Même si parfois elles sont drôles, au bout du compte elles ont souvent été ridicules, en plus elles nous ont laissé un brin de nostalgie, immature, que l’on soit vieux ou jeune.
Ainsi ce nouveau livre de Christian Cottet-Emard paraîtra léger, presque désinvolte, une véritable invitation à la lecture paresseuse sur une plage d’été au soleil. On peut lire chaque histoire d’amour en l’oubliant aussitôt. Comme on lirait une nouvelle dans le magasine « Elle » pour se passer le temps. Mais ne nous y trompons pas, derrière cette impression se cache une approche crue de la futilité des petites souffrances, un abord vif des petites mesquineries, une histoire vraie de la profondeur des petits détails, des petites vexations, des petites frustrations et exigüités qui fondent souvent les « fragments d’un discours amoureux ». L’auteur à la malice de nous les faire toucher du doigt telles qu’elles existent dans leur quotidienneté presque ordinaire. Mais autant le dire tout de suite, les livres de Christian Cottet-Emard sont toujours cousus d’un humour subtil et d’un réalisme souterrain dont il faut bien comprendre l’importance finale. Le vol en rase-motte auquel il nous invite ne doit pas nous tromper, Christian Cottet-Emard est comme ça dans la vie, il n’atterrit jamais, mais il nous invite à le faire, avec de petits clins d’œil visibles depuis nos marges. Il met du feutre sous la violence cependant il la retrace à sa manière, dans sa substance vraie, celle qui nous touchera profondément en refermant ce livre. La légèreté ressentie avec jubilation tout au long de la lecture ne sera alors plus première, même si on n’en éprouve à ce moment précis pas encore une conscience évidente, elle viendra après quelques pas, le livre fermé dans la main, nous livrer son âme. Les histoires seront oubliées mais pas leur carnation, inévitable. Et puis on sourira en repensant à la nouvelle : "La photocopieuse"… à découvrir absolument.
En voici un extrait :
Mes mains rencontrèrent des rondeurs qui me surprirent, plus habitué que j’étais aux corps tendus comme des élastiques des jeunettes de mes débuts encore tout récents. Je peux te certifier aujourd’hui, cher vieux cahier, que rien n’est plus émouvant et délicieux que ces petites imperfections de la maturité que les femmes cherchent par tous les moyens à corriger ou à dissimuler. Les hommes rebutés par un coussinet soyeux sur les flancs ou un petit ventre sont des hommes qui n’aiment pas les femmes. Après avoir passé le demi-siècle, cher vieux cahier, je sais désormais que lorsqu’une femme offre spontanément ce genre de secret à la vue d’un homme, celui-ci a intérêt à réaliser que quelque chose d’important est en train d’arriver dans sa vie sous peine de passer sur Terre comme une ombre.
Rendez-vous manqués, erreurs d'aiguillages mais aussi brèves épiphanies, les nouvelles de Mariage d'automne racontent la violence feutrée du sentiment amoureux et son épilogue dans la lumière du soir...
Mariage d'automne et autres nouvelles, éditions Germes de barbarie, 158 pages, 10€
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