Aujourd’hui, à la formation, on a parlé pair aidance avec des professionnels de la psychiatrie.
Ce qu’il en ressort, c’est que les professionnels ont beaucoup de craintes. Crainte qu’on ne mette pas assez de distance entre nous et les usagers, crainte qu’on ne sache pas gérer les émotions dues à la maladie, crainte qu’on ne sache pas s’adapter au monde du travail, à ses contraintes et ses désillusions, crainte qu’on finisse par perdre notre spécificité à force d’être de l’autre côté de la barrière, etc.
Je comprends ces craintes, j’ai eu moi-même eu certaines et j’en ai parlé dans le billet sur mon stage en pair aidance.
Un psychiatre était là et nous a dit qu’il travaillait avec des gens avec des maladies graves, des schizophrènes, et qu’il ne savait pas ce qu’était le rétablissement.
Grâce à lui, je sais maintenant ce dont j’ai le plus peur dans mon travail de pair aidante, ce qui pourrait me mettre vraiment en échec.
Ce n’est pas du problème de distance ni des émotions liées à la maladie. J’ai l’habitude de discuter avec des schizophrènes, sur internet ou dans la vraie vie. Si je suis pair aidante, ce ne sera pas la première fois que je me retrouverai face à quelqu’un qui a les mêmes symptômes que moi. La maladie, j’ai appris à l’apprivoiser. Je ne dirais pas que je n’ai plus peur d’elle, mais j’ai appris à connaître mes symptômes et à les gérer. Je ne la considère pas comme une injustice, c’est la vie, c’est tout. Pour gérer ses émotions, le fait d’être une équipe aide beaucoup aussi.
Je n’ai pas peur non plus des contraintes du monde du travail. Je travaille depuis quinze ans et je sais que ce n’est pas toujours facile. Comme l’a dit un participant, on a eu une vie avant. On ne va pas découvrir le monde du travail en devenant pair aidant. Je sais ce qu’est le travail en équipe et ses conflits, je sais ce que c’est de travailler quand l’entreprise va mal, je sais ce que c’est de travailler en étant malade.
Ca n’a pas été dit tel quel à la formation, mais je sais que certains ont peur que le pair aidant rechute. Ce n’est pas là non plus qu’est le problème, je peux rechuter dans n’importe quel travail et personne n’est à l’abri d’une décompensation.
Mon problème, c’est un psychiatre qui dit devant des schizophrènes rétablis qu’il ne sait pas ce qu’est le rétablissement. Parce que ça, pour moi, c’est de l’injustice. L’injustice, c’est ce que se font les hommes entre eux. Et stigmatiser en fait partie. Et dire que les schizophrènes ne peuvent pas se rétablir, c’est les stigmatiser. C’est forcément ne pas croire à la pair aidance, puisqu’on ne saurait être pair aidant sans être rétabli. Ca, c’est mon problème. Tomber sur des gens qui ne croient pas en ma fonction, qui ne croient pas en mon rétablissement. Mon problème, c’est l’infirmier qui parle de pompier pyromane et de prêtre pédophile pour les comparer au pair aidant. Mon problème, c’est qu’on ne croit pas en moi parce que je suis schizophrène. Mon problème, ce n’est pas la maladie, je peux faire avec, c’est la stigmatisation. La double peine, comme d’habitude. Et ça, je ne vois pas comment le supporter au quotidien.
La schizophrénie m’a rarement révoltée, la psychiatrie souvent. La boucle est bouclée, c’est encore le cas aujourd’hui. Je n’ai pas peur de le maladie et de tout ce qui tourne autour, j’ai peur de la façon dont je vais être traitée par le système psychiatrique.
Classé dans:Réflexions personnelles