Les résultats des études appliquées ont été très dépendants du contexte. Dans l’environnement de faible inflation et forte croissance des années 60, la conclusion empirique est univoque, à savoir que l’inflation ne pénalise pas la croissance. En revanche, à partir de l’environnement de forte inflation des années 80, la conclusion empirique est équivoque, suggérant tantôt l’absence d’impact, tantôt une relation négative. Par exemple, une étude souvent citée de S. Fisher (1993), l’actuel vice-président du Conseil de la Fed, concluait à un impact négatif de l’inflation sur la croissance économique.
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Plusieurs auteurs ont suggéré que les banques centrales relèvent à 4% leur cible d’inflation aujourd’hui majoritairement établie à 2% (cf. tableau). Ils avancent les arguments suivants : i) les coûts macroéconomiques associés à une inflation de 4% ne sont probablement pas plus élevés que ceux associés à une inflation de 2% ; ii) un tel relèvement réduirait les risques de trappe à liquidité pour les banques centrales ; iii) cela permettrait en tant que de besoin de relancer l’économie lorsqu’il y a une rigidité à la baisse des salaires nominaux qui limite la dévaluation interne par la baisse du coût du travail ; et iv) cela contribuerait à réduire le poids de l’endettement public et privé. Au-delà de ces arguments, les banquiers centraux n’ont d’ailleurs pas toujours considéré l’inflation de 4% comme inacceptable. En effet, la Fed s’est « accommodée » d’une inflation à 4% au milieu des années 80 ; c’est la « conquête de l’inflation ». En particulier, la probabilité d’une « trappe à liquidité », à savoir que les taux d’intérêt soient contraints par la borne inférieure de zéro est sous-estimée. En effet, les crises financières et les contractions brutales de l’activité sont plus fréquentes que ne le suggèrent la seule observation depuis l’après-guerre et le taux nominal neutre est désormais plus bas que par le passé. Dans leur grande majorité, les banques centrales ne sont sans doute pas prêtes à remettre en cause leur cible d’inflation.
Elles se référeront sans doute à la « théorie addictive de l’inflation », à savoir que si on autorise une cible à 4%, les agents pourraient demander plus (6% puis 8%). Cependant, certaines banques centrales (Banque du Canada) envisagent de se reposer des questions structurantes sur l’inflation cible. Au-delà, les banques centrales devraient quand même être confortables avec un dépassement de la cible (Banque d’Angleterre), d’autant plus que ces cibles sont des « moyennes » et non des « plafonds ». Dit autrement, il est normal que l’inflation soit supérieure à la cible pour que cette cible soit effectivement une moyenne. Plus fondamentalement, tant que le processus de désendettement n’a pas suffisamment progressé, il n’existe pas de risque inflationniste sur le marché des biens et services. En revanche, la forte injection de liquidités a bien provoqué une inflation… sur les actifs financiers et immobiliers. Et c’est davantage cette inflation financière qui peut conduire les banques centrales à resserrer les conditions monétaires selon l’argument macroprudentiel de stabilité financière.
A propos de l'auteur : Christophe Morel est chef économiste chez Groupama Asset Management.