La défense expliquée à l'IHEDN

Publié le 07 juin 2017 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) L’exposition de peinture et de livres et les débats, organisés avec plusieurs penseurs, experts et membres de la société civile, ont eu lieu autour de six espaces aux noms plutôt équivoques: d’Artagnan, Terminator, Valmy, Minotaure, Gladiator et Conseil de guerre. Face à des thématiques telles que la mondialisation des conflits, les nouvelles technologies, la médiatisation et la représentation artistique de la guerre, les maladies, la complexité et la vulnérabilité de l’esprit humain, les défis de la sécurité ne manquent pas.

Habituellement associée à une institution vieillissante et ennuyeuse, cette journée annonçait de voir "La défense telle que vous ne l’avez jamais abordée". Très ancrée dans la modernité et la réflexion sur l’avenir qui nous engage tous, les différentes rencontres de la journée abordaient des sujets aussi variés que passionnants, comme "Guerre pas Net! La cyberguerre a déjà commencé", "Mars ou Vénus? La guerre est-elle une question d’hormones?" ou "Permis de tuer: tire et oublie!". La conférence "Dessine-moi une kalach! Les enfants soldats" abordait un des sujets les plus sensibles. Triste référence au "dessine-moi un mouton" du Petit Prince, qui rappelle ce monde naïf et innocent que les enfants soldats ont perdu. Philippe Brizemur, de la commission Droits de l’enfant à Amnesty International, Eric Sandarlz, psychologue clinicien et le colonel Valéry Putz du 2e régiment étranger d’infanterie ont débattu de ce phénomène vieux comme le monde mais malheureusement toujours existant.

Tout d’abord qu’est-ce qu’un enfant soldat? Selon la convention des droits de l’enfant, ratifiée par tous les pays sauf les USA, il s’agit d’une personne de moins de 18 ans engagée activement dans un conflit armé, et l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans est un crime de guerre. On estime aujourd’hui qu’entre 250 à 300.000 enfants sont concernés aujourd’hui, dont 40% de filles, servant principalement de bétail sexuel aux troupes. Ces chiffres restent difficiles à évaluer car beaucoup sont cachés par les milices. Des enfants, même de moins de 10 ans, sont utilisés comme porteurs de munitions, cuisiniers, combattants, et même pour commettre des attentats-suicide. L’ONU établit chaque année une liste de la honte de milices et États qui utilisent des enfants et beaucoup de pays font pression pour ne pas y apparaître, tel qu’Israël ou l’Arabie saoudite. Les enfants restent, malheureusement, la main d’œuvre la moins cher en temps de guerre.

Loin d’être un phénomène nouveau, les soldats français y sont longuement préparés en amont. Par leurs actions de terrains l’armée française y est confrontée, mais la triste réalité est qu’il ne s’agit qu’un des nombreux crimes de guerre, et pas une priorité lors d’opérations urgentes face à des pillages et des massacres. Comment faire la différence entre un enfant et un combattant? Et comment lutter contre ce problème? Garder sa liberté de perception et d’action est essentielle, pour savoir réagir proportionnellement à une menace, d’où une longue préparation des officiers et des soldats. Mais surtout, le changement se fera en redonnant les conditions de vie et de sécurité à la population, en coordination par la suite avec l’UNICEF, et en poursuivant les groupes qui commettent ces crimes. Pour le général Putz, il faut "faire la guerre à ceux qui font la guerre".

Le travail de suivi et de réinsertion sera lui le plus long et le plus complexe. Les rapports à la mort, aux limites, aux interdits n’ont pas été intégrés par ces enfants. Eric Sandarzl explique "qu’il faut peu de temps pour démolir un être, mais des décennies pour le reconstruire". L’adolescence, période indispensable pour devenir adulte, n’a pas été vécue, ce qui crée de graves problèmes de transgressions et une transmission qui est détruite pour plusieurs générations. Le moment traumatique vécu par ces jeunes devient leur nouvelle origine, leur nouvelle identité, et commence alors un immense travail pour retrouver la personne qu’ils étaient avant ce traumatisme. L’oubli est impossible, et contrairement aux idées reçues, la parole n’est pas forcément libératrice. Face à des enfants éteints à tout, comme anesthésiés, il faut remettre des sensations et de la pensée, rétablir une confiance. Vengeance, obéissance à groupe, kidnapping… les raisons de l’enrôlement des enfants sont nombreuses, mais il importe de ne pas oublier qu’un enfant n’est jamais volontaire pour perdre son innocence pour la violence de la guerre.