8 janvier 2008. Nicolas Sarkozy convie plusieurs centaines de journalistes pour une monstrueuse conférence de presse à l’Elysée au cours de laquelle il se met en scène de manière parfaitement obscène. Morgue, arrogance, tics d’épaule, sourire niais, rien ne manque. Dès la deuxième question, le ton est donné. L’auditoire sidéré est propulsé vers les hauts sommets de la politique où l’oxygène se fait rare. « Avec Carla, vous l’aurez compris, c’est du sérieux. » Quelques temps plus tard, le Président de la République de l’UMP donne l’estocade en faisant son annonce fracassante sur la fin de la publicité à la télévision publique.
Les ministres sont interloqués. Fillon, qui pensait quand même être un tout petit peu premier ministre, se rend compte qu’il n’est vraiment que le « collaborateur principal » du Leader Minimo. Mais un collaborateur minable, c’est-à-dire un collaborateur auquel on ne dit rien. Les soupçons se confirment. Les choses importantes se décident effectivement au Château, entre les conseillers du monarque, les fameux « connards de l’autre rive [de la Seine] » ainsi qualifiés par le député UMP du seizième arrondissement de Paris Claude Gloasguen.
Le froid s’installe dans la grande salle de réception de l’Elysée. Les journalistes sont estomaqués par la mesure annoncée et par le comportement ironique et déplacé de Sarkozy à l’égard de Laurent Joffrin du quotidien Libération. Parmi les membres du gouvernement, on s’interroge entre deux sourires pincés : « Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de suppression de la publicité ? ». Cette histoire, eh bien c’est celle d’un gars navrant qui, depuis le 6 mai 2007, a endossé un costume trop grand pour lui et qui ne savait plus quoi inventer pour reprendre la main et espérer remonter dans les sondages. Sarkozy devait gagner en épaisseur et se débarrasser de son image de parvenu « bling bling ». Pour ce faire, il devait tenter de porter un message politico-philosophico-culturel. Raison pour laquelle il a d’un côté sorti sa « politique de civilisation » laborieusement pompée des travaux d’Edgar Morin, et de l’autre, il s’est attaqué à la publicité dans l’audiovisuel public. Il fallait faire du vent, de l’esbroufe.
25 juin 2008, la Commission a fait part du fruit de ses réflexions au Président. La rapidité avec laquelle la réflexion a été menée est déjà un bon indicateur de l’indigence du rapport. A compter du 1er janvier 2009, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile, les fournisseurs d’accès à internet et les chaînes privées devront payer pour compenser la perte des ressources publicitaires sur le service public. Les écrans publicitaires vont en effet disparaître progressivement des écrans après 20h00. Bref, la belle idée consiste à faire payer les autres. Il s’agit de « lutter contre la tyrannie de l’audience » selon l’expression utilisée par l’inénarrable Sarkozy qui se la joue « El Libertardor ». Défense de rire. Sauf que ceux qui vont être contraints à payer n’y semblent guère disposés. De plus, la Commission européenne ne paraît pas non plus emballée par cette mesure qui risque de pénaliser des secteurs à forte croissance.
Encore une promesse : la redevance audiovisuel n’augmentera pas mais, selon Copé, elle sera indexée sur l’inflation. Il est difficile de savoir ce que cela signifiera concrètement, mais venant de la part de Copé, c’est très certainement une façon alambiquée d’annoncer que les citoyens seront contraints de payer, dans quelques mois, une redevance plus élevée pour pouvoir regarder une télévision aseptisée aux ordres de la bande à Sarkozy.
Les citoyens seront également confrontés, demain, à une hausse des tarifs de la téléphonie mobile et de l’internet (car on imagine bien que les opérateurs de ces secteurs ne sont pas des philanthropes et qu’ils répercuteront, d’une façon ou d’une autre, une partie des taxes nouvellement créées sur les consommateurs ).
Les syndicats de l’audiovisuel public ont fait le compte. Les mesures sarkozistes sont loin de compenser le manque à gagner résultant de la suppression des spots publicitaires.
Ultime bras d’honneur : la désignation du président de France Télévisions sera confiée au pouvoir exécutif. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendante peuplée de courageux et d’obligés du pouvoir, devra donner ensuite un avis conforme. Cet avis obtenu sans effort, la nomination sera confirmée par les députés UMP, actuellement majoritaires.
La France est donc en route vers la régression sur tous les plans. En matière de la liberté de communication et d’information, Sarkozy préconise un bond en arrière de 30 ans.