Évoquée dans le billet de la semaine dernière en raison de son utilisation, contestée par des opposants syriens, dans une publicité de ramadan contre le terrorisme islamique, l’histoire du petit Omarane Daqneesh connaît un nouveau rebondissement. En effet, sur une chaîne nationale syrienne (mais également sur Al-Mayadeen ou sur RT en arabe), la famille du petit garçon, des mois après les événements, livre son propre récit, de l’histoire touchante du garçonnet qu’on voit agiter le drapeau national syrien.
Comme il est expliqué dans cet article du Daily Telegraph, la famille, fidèle au régime en place, est restée à Alep. Dans l’entretien télévisé, le père explique, avec force détails, les circonstances de l’explosion dont il avait été victime avec sa famille et qui, selon lui, n’était pas due à un bombardement aérien syro-russe comme on l’avait écrit à l’époque. Profitant de la confusion, on l’avait alors, toujours selon ses dires, séparé de son enfant, Omrane, pour une séance de photos, pas vraiment improvisée, organisée par un photographe connu pour ses liens étroits avec les célèbres « Casques blancs » et les combattants du mouvement Nour al-Din al-Zanki, un groupe particulièrement extrémiste de l’époque. Le père en profite pour dire tout le mal qu’il a toujours pensé, lui et sa famille, des prétendus rebelles, ajoutant qu’il a même refusé de l’argent qu’ils lui proposaient pour qu’il accepte de se livrer à leur propagande (article en arabe).
Dans la version – favorable au point de vue rebelle – que donnait Le Figaro en septembre dernier, le père se taisait « pour des raisons inconnues », en d’autres termes, par peur des représailles (des rebelles), ce qui peut tout aussi bien être le cas aujourd’hui naturellement, cette fois-ci de la part du régime.
Malheureusement, les médias exploitent bien souvent la faiblesse des victimes, particulièrement quand il s’agit de jeunes enfants. Dans ce conflit où la propagande joue à plein, aucune partie ne s’est privée d’exploiter ce « filon » pour apitoyer une opinion internationale prompte à oublier, devant des images touchantes, quelques réflexes de bon sens. Pour mémoire, on peut rappeler l’histoire, rapidement enterrée, de ce réalisateur norvégien qui avait mis en scène (à Malte !) le sauvetage d’une petite fille par son frère. Lorsque la supercherie avait été découverte (par la BBC notamment), il avait expliqué en substance, à l’image du faussaire de la Gay Girl of Damascus au tout début de la guerre (voir ce billet, que je ne renie pas, six ans plus tard), que c’était pour la bonne cause, histoire de mobiliser l’opinion…
« By publishing a clip that could appear to be authentic we hoped to take advantage of a tool that’s often used in war; make a video that claims to be real. We wanted to see if the film would get attention and spur debate, first and foremost about children and war. We also wanted to see how the media would respond to such a video. »
Il y a eu aussi la belle histoire du « livreur de jouets » pour les enfants assiégés d’Alep, dont le « héros », un syro-finnois du nom de Rami Adham, fait aujourd’hui l’objet d’une enquête judiciaire pour fraude, en raison de l’évaporation des fonds versés par de généreux donateurs. Là encore, un reportage de la BBC a mis en évidence ses liens un peu trop étroits avec certains milieux jihadistes…
La série ne serait pas complète sans l’incroyable histoire de Bana al-Abed, « la petite fille qui tweetait à Alep, sous les bombes » (en anglais, à 7 ans !) comme on le disait sur France-Culture (et beaucoup ailleurs) à l’époque, sans écouter les voix qui, avec quelques arguments de bons sens, s’interrogeaient sur quelques zones un peu trop ombreuses dans cette belle fable… Réfugiée en Turquie (qui lui a au moins accordé la nationalité), la petite Bana a continué à faire le jeu des manipulations médiatiques, également au sens propre du terme à voir la manière dont le « grand-père de tous les Turcs », Recep Tayyip Erdoğan, la serre contre son cœur. La saga de la « petite Ann Frank de Syrie » , comme n’a pas craint de l’écrire le très sérieux Washington Post, n’est pas encore terminée car elle va publier un livre, auprès de la très prestigieuse maison d’édition Simon & Schuster.
L’éditeur a déjà un titre, Dear World, comme dans un de ses tweets les plus poignants : il s’agira de Mémoires, à n’en pas douter !