Le symbole olympique est mondialement et historiquement connu. Tant et si bien qu’il semble faire partie de notre patrimoine culturel commun, qu’il semble appartenir à tout le monde, tel un bien public que chacun pourrait s’approprier et utiliser à sa guise, à l’image du symbole universel de la paix. Qu’il soit un signe « notoire » est donc une évidence.
Qu’il soit une marque, signe de ralliement du public pour un ensemble d’activités sportives à intervalle régulier, et aux enjeux économiques et financiers considérables, tant pour la ville qui les accueille que pour les organisateurs et les joueurs, est moins évident pour le grand public.
Et pourtant, le symbole olympique est bien une marque protégée et notoire. La chambre criminelle de la Cour de cassation l’a rappelé par un arrêt récent du 17 janvier 2017 (pourvoi n°15-83-363).
1/ Contexte
A l’occasion des Jeux olympiques de Londres 2012, une société ayant pour activité la gestion de bars a reproduit le symbole olympique sur 200.000 sous-bocks de bière et en a informé sa clientèle sur son site Internet pour la retransmission des épreuves olympiques sur les écrans de ses établissements.
Cette société n’avait aucune autorisation pour cela et a été assignée devant le tribunal correctionnel pour contrefaçon par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), association reconnue d’utilité publique par un décret du 6 mars 1922.
Ce dernier est en effet propriétaire de la marque qu’est le symbole olympique et se doit de la protéger.
La naissance et l’organisation de la protection de cette marque est pertinente à rappeler. Sous la tutelle du Comité International Olympique (CIO), créé le 23 juin 1894, les Comités nationaux olympiques ont pour mission de « développer, promouvoir et protéger le mouvement olympique dans leurs pays respectifs ». Comme le CIO, les comités nationaux (dont le CNOSF fait partie) doivent ainsi protéger le symbole olympique, entre autres, contre toute utilisation commerciale ou publicitaire qui pourrait en être faite par des tiers non autorisés.
Cette obligation trouve sa source dans le Traité de Nairobi concernant la protection du symbole olympique du 26 septembre 1981 :
- Selon son article 1 et les articles 7.1 et 7.4 de la Charte olympique (codification des Principes fondamentaux, des Règles et des textes d’application), le CIO est tout d’abord propriétaire des propriétés olympiques dont le symbole fait partie (article 7.4 de cette Charte). Il dispose seul d’un droit d’usage sur ce symbole, droit pouvant faire l’objet de licences à des fins commerciales ou publicitaires.
- L’article 1 du Traité de Nairobi oblige ensuite les Etats signataires à refuser ou invalider « l’enregistrement comme marque et [à] interdire, par des mesures appropriées, l’utilisation comme marque ou autre signe, à des fins commerciales, de tout signe constitué par le symbole olympique ou contenant ce symbole ».
De la sorte, le CIO a concédé des licences exclusives sur les propriétés olympiques aux comités nationaux et oblige chaque Etat signataire à adopter une législation spécifique pour protéger le symbole olympique dans le sens de l’article 1 du Traité.
En France, on trouve ces dispositions à l’article L141-5 du Code du Sport : « Le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l’hymne, du symbole olympique et des termes » jeux Olympiques » et » Olympiade « .
Le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d’imiter, d’apposer, de supprimer ou de modifier les emblèmes, devise, hymne, symbole et termes mentionnés au premier alinéa, sans l’autorisation du Comité national olympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles L. 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle ».
C’est dans ce cadre que le CNOSF a poursuivi la société de gestion de bars pour contrefaçon.
2/ Comment protéger sa marque ?
Toute marque régulièrement déposée est protégée du seul fait de son dépôt (articles L712-1 et suivants du Code de propriété intellectuelle (CPI)) contre la contrefaçon, la concurrence déloyale, le parasitisme ou le dénigrement (articles L713-1 et suivants du CPI). Son propriétaire doit notamment prouver la titularité de son droit sur la marque, ce que le certificat d’enregistrement permet aisément.
La contrefaçon de marque est (article 716-1 CPI) la violation des articles L713-2, L713-3 et L713-4 CPI, c’est-à-dire des dispositions définissant le contenu du droit de propriété. Elle est constituée par l’usage ou la reproduction de la marque protégée ou de ses caractéristiques essentielles, sans autorisation de son propriétaire, en vue de sa commercialisation et s’apprécie au regard des ressemblances (jurisprudence constante) entre le signe distinctif protégé et le signe litigieux.
La personne qui produit « industriellement des marchandises présentées sous une marque contrefaisante » dans le but de les vendre (entre autres) risque alors quatre ans d’emprisonnement et 400.000 euros d’amende (article L716-9 CPI) et celui qui les vend ou reproduit, imite ou utilise la marque protégée risque trois ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende (article L716-10 CPI).
Dans le cadre d’une action en contrefaçon, et même si la preuve peut en être rapportée par tous moyens (article L716-7 CPI), le propriétaire de la marque doit aussi prouver le risque de confusion dans l’esprit du consommateur entre sa propre marque et la contrefaçon alléguée, ainsi que son préjudice.
C’est sur ce terrain de la charge de la preuve que la marque notoire procure un avantage au propriétaire pour la protection de sa marque en cas de contrefaçon, bel exemple de porosité entre les droits procéduraux et les droits substantiels.
Dès lors, comment définir la marque notoire et quel avantage procure-t-elle pour sa protection ? C’est ce que l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 janvier 2017 nous rappelle en illustrant ses propos avec le symbole olympique.
3/ La protection renforcée de la marque notoire
En l’espèce, la Cour d’appel, dans son arrêt du 14 octobre 2015, a condamné la société de gestion de bars pour contrefaçon du symbole olympique.
Ce symbole, décrit à l’article 8 de la Charte olympique, est composé de « cinq anneaux entrelacés de dimensions égales (…) employés seuls, en une ou cinq couleurs. Lorsque la version en cinq couleurs est utilisée, les couleurs sont, de gauche à droite, le bleu, le jaune, le noir, le vert et le rouge. Les anneaux sont entrelacés de gauche à droite ; l’anneau bleu, le noir et le rouge se trouvent en haut, le jaune et le vert en bas ».
Il s’agit donc d’une marque figurative, définie très largement à l’article L711-1 c) CPI comme « dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs ». En d’autres termes, la marque figurative doit être susceptible de représentation graphique et perceptible par la vue, la marque s’appropriant ainsi cette représentation graphique pour une destination particulière et en lien avec un libellé. C’est dire que la marque figurative doit remplir ses fonctions distinctives et être identifiable, mais non fonctionnelle
A l’évidence, les anneaux olympiques remplissent ces critères.
En premier lieu, la Cour d’appel rappelle la notion de contrefaçon de marque, à savoir :
- le titre de propriété dont le CNOSF dispose sur la marque du symbole olympique
- l’exploitation non autorisée et sans contrepartie financière de ce symbole par un tiers
- l’utilisation unilatérale par ce tiers à des fins commerciales.
Le prévenu essaie alors de se défendre de toute contrefaçon en invoquant des exceptions à l’obligation d’obtenir l’autorisation du propriétaire pour exploiter la marque :
- le droit d’information du public à propos d’un évènement : il estimait que son exploitation n’était qu’une simple allusion aux anneaux olympiques sur le site internet et certains éléments publicitaires de l’entreprise
- la parodie : le recours aux anneaux associé à un personnage aux traits de la reine d’Angleterre en tenue de sport avec un pichet de bière à la main s’inscrivait selon lui dans une démarche « manifestement et purement parodique ».
La Cour d’appel ne suit pas ce raisonnement puisque l’utilisation par les prévenus du symbole olympique était faite à des fins commerciales pour attirer la clientèle. Ce but écarte d’office les rares exceptions possibles en la matière.
En second lieu, la Cour d’appel énonce le caractère notoire de la marque qu’est le symbole olympique, ces anneaux étant « notoirement connus », cette marque étant connue « dans le monde entier » et jouissant « d’un prestige et d’une renommée exceptionnelle ».
C’est bien la définition de la marque notoire : pour qu’elle le soit, il suffit qu’elle soit connue du public concerné par le produit, sans nécessairement être connue d’une large partie de la population (article L713-5 CPI).
Ce caractère notoire confère ainsi à la marque une protection supérieure, en ce que le caractère dommageable de son exploitation illicite par un tiers peut être établi sans avoir à démontrer le risque de confusion dans l’esprit du consommateur, contrairement aux marques non notoires.
Malgré la protestation du prévenu selon lequel la condition du risque de confusion ne peut être écartée qu’en cas d’identité entre la marque et le signe, la simple évocation de la marque notoire suffit bien à constituer le délit de contrefaçon et à causer un préjudice économique et d’image certain au CNOSF.
La chambre criminelle de la Cour de cassation confirme entièrement l’arrêt infirmatif de la Cour d’appel et précise que cette solution relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, tant sur le caractère notoire de la marque que sur son utilisation contrefaisante.
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