Suffit de visionner la fiction (épousant maintenant la réalité) House of Cards sur Netflix pour se rendre compte que l'univers politique peut avoir la griffe sale. La série britannique (refaite par les États-Unis) nous présente Frank Underwood et sa femme, Claire, usant de toute les formes de manipulation possibles, piétinant la morale au nom du pouvoir. Incluant l'impensable. La série s'ouvre sur Underwood abrégeant les souffrances d'un chien frappé par une voiture.
Fiction et réalité sont de plus en plus troublantes. Qui inspire qui? Rien n'est actuellement trop clair. C'est par cette série (que je commence) que je suis tombé sur les histoires sombres et désolantes de Tom Schweich et Spence Jackson.
Des histoires tristement trop vraies.
Et puantes.
Tom Schweich était un premier de classe. Un brin geek. Diplômé de Harvard, il devient tout de suite membre du prestigieux cabinet de Bryan Cave au Missouri. Il travaillera entre autre sur le siège des davidiens de Waco en 1993, qui se termine dans un carnage faisant 80 morts, dont 23 enfants. L'étude conclut à un pacte de suicide, mais aussi à bien des maladresses de la part des intervenants. Schweich se créé ses premiers ennemis. L'éduqué est souvent ennemi chez les Républicains. Schweich est républicain.
Mais les compliments sont plus nombreux sur son travail. Il deviendra chef de cabinet de trois ambassadeurs différents des États-Unis aux Nations Unies et un important conseiller légal pour l'administration Bush fils à partir de 2005. Il écrira trois livres qui vendront beaucoup, en 1998, 2001 et en 2003. Il sera aussi enseignant en droit.
Vérificateur républicain au Missouri à partir de 2014, il annonce en janvier 2015 qu'il sera candidat comme gouverneur du Missouri.
Le chef de campagne de Ted Cruz, Jeff Roe, le trouve toutefois achalant et désagréable. Trop à cheval sur le légal. Une intense rivalité commencera entre les deux hommes. Schweich commence à rédiger un livre sur sa relation avec Roe appelé "Jeff & Me: Influence & Intimidation in the Missouri Republican Party", dont le titre indique le climat mental qui l'habite alors. Puis plus tard, un autre sur le côté malsain qu'il découvre ailleurs dans le même parti: "Political Consultants Who Act More Like Mobsters Than Advisors Are Destroying the Republican Party". Dans ces livres (jamais terminés) Schweich raconte comment Roe a menacé de "tuer" certains des ses collaborateurs, et de "se débarrasser" de Tom.
En février 2015, Roe approuve une contre-publicité radio attaquant Schweich, alors qu'un acteur imite Frank Underwood (un meurtrier, je vous vend un de ses traits de personnalités) de House of Cards, parlant du faible Schweich et se moquant à mots couverts de son apparence, le comparant à Don Knotts.
Au Missouri, il n'y a pas de loi sur une limite de contribution* possible offert par un supporteur. L'un de ceux-ci est le multimilliardaire Rex Sinquefield. Il donne régulièrement 40 millions dans les campagnes politiques. Son influence au Missouri est titanesque. Mais il ne voit pas Schweich dans sa soupe. Scweich voit en lui un autre assassin de carrière.
Schweich, un collectionneur compulsif, devient obsédé par le fait qu'on veut le plomber de l'intérieur. Ses amis l'urge de passer par dessus tout ça, mais Schweich en est incapable voulant justice et équité. En colère et terriblement anxieux, il veut répondre à tout ça.
Il panique dans l'indécision et se tire une balle dans la tête, le 26 février 2015.
"Que Dieu me protège! n'avais-je prévenu Votre Grâce de bien prendre garde? Ne l'ai-je pas avertie que c'était des moulins à vent et que, pour s'y tromper, il fallait en avoir d'autres dans la tête?"
Robert "Spence" Jackson était un ami et un aide direct de Tom Schweich depuis 2011. Quand Schweich veut devenir gouverneur, c'est Jackson qui assume l'intérim comme vérificateur au Missouri. Depuis le début des années 2000, il a toujours travaillé en politique pour le parti républicain. Il est un grand ami et un total soutien de Schweich.
Quand Shweich se flingue, Spence perd le pilier de sa sagesse.
Le 30 mars suivant, Spence Jackson l'imite en se plaçant un fusil sur la tête, c'est si facilement accessible un fusil aux États-Unis, et se fait lui aussi sauter la tête. On le retrouve dans sa chambre, un fusil à la main.
"Il ne faut point parler de corde, dans la maison d'un pendu".
"Personne ne vous connaît, personne ne s'intéresse à vous, ce que vous faites ne sert à rien"**
*Par exemple en Iowa, il est "interdit" de donner plus de 3$ à un candidat que l'on supporte.
** Les trois premières citations sont tirées du chef d'oeuvre de Cetvantès, la dernière de House of Cards.