Bien sûr la décision est symbolique ; jamais un préfet ne la validera car elle est par essence illégale. Mais Christophe Dietrich, élu sans étiquette en place à la mairie depuis 2014, veut ainsi attirer l’attention des média et des pouvoirs publics sur un phénomène alarmant et lourd de conséquences : le cruel manque de médecins généralistes qui menace sa commune. A ce jour il n’en reste plus que deux en place, qui vont partir bientôt à la retraite : un comble pour cette ville de 4 500 habitants qui bénéficie par ailleurs de deux hôpitaux … engorgés au possible.
« Cet arrêté est absurde, mais c’est parce que nous sommes face à une situation absurde », se lamente Christophe Dietrich au micro de franceinfo.
Cette perspective est d’autant moins réjouissante que les dysfonctionnements sont palpables. Ces dernières semaines il a été très dur de faire intervenir des médecins suite à des décès. Les praticiens ont mis presque six heures à se rendre chez les défunts pour constater leur mort et la signifier par écrit officiel. Outre l’impact psychologique sur des familles en détresse car frappées par le deuil, ce délai pose plusieurs problèmes importants :
- Le certificat de décès signé par le médecin constitue le document officiel qui déclenche toute la procédure des obsèques. Sans lui, pas d’acte de décès, pas de possibilité de faire inhumer le cadavre, ni d’avoir accès à un éventuel testament, ou même une assurance obsèques. Pas de possibilité non plus d’avertir officiellement l’employeur et les instances administratives comme la sécurité sociale.
- Impossible par ailleurs de diagnostiquer un risque de contamination : le docteur a pour mission d’identifier les causes du décès, et de les inscrire en toutes lettres sur le certificat. C’est lui qui repérera une maladie infectieuse et prendra le cas échéant les mesures nécessaires pour protéger les populations.
- Par ailleurs il indiquera si il y a eu suicide, si les causes sont suspectes d’où enquête de police dans le but d’élucider les circonstances de la mort.
Bref sans médecin généraliste, il n’y a aucun moyen de dresser un constat viable et reconnu par les autorités.
Conscient de la crise qui se prépare, le maire de Laigneville a donc décrété cette mesure extraordinaire pour dénoncer une désertification coupable qui condamne ses administrés à mourir en milieu hospitalier : il propose ainsi de réfléchir à des solutions viables afin de ramener les généralistes dans les campagnes, en leur imposant par exemple d’exercer dans la région où ils ont fait leurs études.
« Cela fait deux fois en trois semaines que je suis confronté à un décès sur ma commune et on a mis entre 4 et 6 heures à obtenir un médecin pour faire constater le décès », a commenté Christophe Dietrich sur l’antenne de France info.
Mr Christophe Dietrich, Maire de Laigneville
Peut-être faudrait-il que cette profession libérale revoie à la baisse ses exigences : Dietrich a démarché plusieurs praticiens pour reprendre les cabinets existants mais leurs demandes étaient tellement insensées qu’il n’a pu les valider.
Enfin il conviendrait que cette corporation accepte de déléguer certaines préséances, notamment celle de signer les certificats de décès. Il faut de toute façon solutionner ce problème de fond qui s’aggrave depuis maintenant une vingtaine d’années dans l’indifférence générale, mettant désormais en péril la sécurité des habitants et la bonne marche de la ville, constituant une régression des plus inacceptables à l’heure de la globalisation et des progrès numériques.