Titre : Ekhö, monde miroir, T6 : Deep south
Scénariste : Christophe Arleston
Dessinateur : Alessandro Barbucci
Parution : Juin 2016
Christophe Arleston est le premier scénariste dont j’ai été un aficionado fidèle. Je fais partie des nombreux adolescents qui sont tombés sous la charme de Lanfeust de Troy lorsque cette saga a révolutionné l’héroïc-fantasy dans le neuvième art il y a une vingtaine d’années. Mon affection pour cet auteur m’a fait découvrir «Leo Loden», «Les maîtres cartographes», «Le chant d’Excalibur» ou encore «Les naufragés d’Ythaq». Hélas, j’ai trouvé qu’avec les années, la qualité narrative des différents ouvrages nés de la plume d’Arleston déclinait de manière inquiétante. Par conséquent, cela faisait quelques années que je m’éloignais naturellement de toute nouvelle création de sa part. La seule série qui m’a fait rompre cette évolution est «Ekhö». Suite à la lecture d’une critique positive de son premier tome, ma curiosité avait été attisée. Je n’ai pas regretté mon choix car c’est avec plaisir que j’avais découvert le couple improbable formé par Granite et Yuri.
Un « Sud » trop proche de notre réalité.
Ma critique d’aujourd’hui porte sur le sixième chapitre de cette saga intitulé «Deep South». Il est apparu en librairie il y a quelques semaines. Avant d’entrer de plein pied dans l’exposition de mon ressenti à l’égard de cet ouvrage, je vais vous présenter rapidement le concept d’Ekhö en vous citant une partie de la quatrième de couverture : « Ekhö est un monde miroir de la Terre. On y retrouve nos villes, nos pays, mais légèrement différents : l’électricité n’existe pas, les dragons remplacent les avions de ligne, les wagons du métro sont sur le dos d’étranges mille-pattes… »
Le principe de cet univers permet un parallèle drôle et décalé de notre société actuelle. Dans ce tome, les auteurs immergent les personnages dans un monde qu’on pourrait assimiler au Sud traditionaliste des États-Unis. Le méchant prend les traits d’un prêcheur qui voit le démon dans les paroles et l’attitude d’une jeune chanteuse à succès. Cette starlette a la particularité d’avoir comme agent notre chère Granite. C’est ainsi que l’héroïne se voit sur la route d’une tournée musicale sous protection de cette communauté extrémiste et intolérante…
Ce « Sud » est assez décevant. En effet, il ressemble beaucoup trop à notre réalité. Les auteurs jouent beaucoup moins avec les codes décalés et estampillés « fantasy » que dans les meilleurs chapitres de la série. J’en ai presque oublié que je ne me trouvais pas sur Terre. C’est vraiment dommage car la réussite de la saga est avant tout basé sur ce concept de mondes parallèles. Dans cet opus, ils sont tellement proches qu’ils en deviennent confondus.
L’autre particularité récurrente des aventures de Granite est que la jeune femme a la capacité de voir son enveloppe corporelle abritait la personnalité d’une personne décédée récemment. Évidemment, son « occupant » a toujours un lien avec l’intrigue et participe à la résolution du mystère. Dans «Deep South», cette « immersion extérieure » est anecdotique et sans aucun intérêt. Sur cet aspect-là, les auteurs ont manqué d’imagination. Peut-être que ce « mécanisme » scénaristique ne doit pas être systématique mais utiliser de manière plus rare mais plus pertinente.
Mais mon principal regret concerne la disparition temporaire du duo formé par Granite et Yuri. Dès les premières pages, les auteurs expédient le scientifique bougon hors de la trame pour laisser leur héroïne occuper seule le premier plan de l’intrigue. C’est vraiment dommage car leur couple « chien et chat » est incontestablement l’atout majeur à la fois drôle et attachant de la série. J’espère que cette maladresse scénaristique ne se reproduira pas car elle fait disparaître le ton léger et décalé qui manque cruellement à cette lecture.
Côté dessin, le travail de Barbucci est toujours aussi sérieux. Son style correspond parfaitement à cette aventure grand public. Il ne révolutionne pas le genre mais accompagne très honnêtement une intrigue assez classique. Je regrette juste que les décors soient moins détaillés que d’habitude. Mais peut-être est-ce dû à la faiblesse narrative ?
Pour conclure « Deep South » est, à mes yeux, l’épisode le moins réussi de la série. J’appréhende que le concept s’essouffle. Peut-être que les auteurs devraient prendre plus de temps pour construire leur album plutôt que de tenir un rythme soutenu d’une parution par an. Ils ont montré que Ekhö monde miroir pouvait donner offrir une lecture très divertissante. Peut-être serait-il pertinent de privilégier la qualité sur la quantité pour retrouver toute la bonne humeur qui transpirait de chacune des pages des premiers opus ?