Camille Brissot
Syros Jeunesse
Février 2017
354 pages
16,95 euros
Roman ados dès 13 ans
Thèmes : Dystopie, Mort, Deuil
Quatrième de couverture : Depuis 2022, les Maisons de départ ressuscitent les morts grâce à des reflets en quatre dimensions qui reproduisent à la perfection le physique, le caractère, et le petit je-ne-sais-quoi qui appartient à chacun. Les visiteurs affluent dans les salons et le parc du manoir Edelweiss, la plus célèbre des Maisons de départ, pour passer du temps avec ceux qu'ils aimaient. Daniel a grandi entre ces murs, ses meilleurs amis sont des reflets. Jusqu'à ce qu'il rencontre Violette, une fille imprévisible et lumineuse… Bien vivante.
La Maison des reflets fut une magnifique lecture qui m'a captivée, intriguée et envoûtée par son ambiance à la fois humble, austère et solennelle. Qui accepterait de laisser partir un être cher s'il pouvait le garder à ses côtés ? La Maison des reflets entre illusions, fantastique et virtuel traite ainsi du deuil de manière très originale et propose une vision intimiste, particulière et personnelle du rapport au deuil, à nos défunts. J'ai trouvé les propos de Camille Brissot vraiment beaux et justes, empreints d'une belle sincérité et sensibilité.
Depuis 2022, les Maisons de départ offrent à leurs clients de pouvoir "ressusciter" leurs êtres chers disparus grâce à des reflets en quatrième dimension qui reproduisent à la perfection le physique, la personnalité, les expressions et le caractère du mort. Bien qu'étant totalement virtuels, ces reflets permettent aux proches d'apaiser leur peine et leur souffrance en partageant des moments uniques de conversation et de complicité, comme s'ils étaient toujours là. C'est ainsi que notre héros Daniel voit sa maman tous les soirs, à chaque fois qu'il en a besoin. Il la convoque virtuellement et leurs échanges permettent à l'enfant d'avoir toujours sa maman à ses côtés... surtout que son père, fabricant de reflets est souvent absent et ne s'occupe pas beaucoup de son fils. Daniel a grandi au Manoir Edelweiss, avec ses parcs, ses salons, ses boudoirs à l'anglaise, dans une ambiance toujours joyeuse, jamais taciturne, même si il sait que les reflets sont parfois voués à partir, à disparaître. Il s'y sent bien, rassuré, comme dans un cocon. Alors que sa gouvernante aimerait que Daniel connaisse une vie plus terre à terre, plus réaliste, celui-ci va expérimenter les sentiments humains en la connaissance de Violette, une fille pimpante, drôle et imprévisible ! Mais lorsqu'on s'expose à la réalité, c'est aussi s'exposer à l'imprévu, à la violence des sentiments qui tombent d'un coup : le premier amour, la solitude, l'envie de voir ailleurs, de voler de ses propres ailes et découvrir qu'il y a tout un fossé entre le monde des enfants/ adolescents et celui des adultes. Daniel va progressivement prendre du recul avec le manoir et les activités des Maisons de départ. Daniel qui à l'image d'un Nobody Owens (L'étrange vie de Nobody Owens de Neil Gaiman) est un adolescent touchant et adorable, intelligent et empathique.
Dans La Maison des reflets, Camille Brissot nous projette dans un futur/ une dystopie tout à fait plausible et bouleversante, à la fois émouvante et touchante. En exploitant le deuil de manière originale et douce, elle pose les questions des limites du virtuel face au choc des sentiments réels. Les reflets ne sont-ils pas un moyen de retarder l'inévitable, de parfaites illusions visant à adoucir la mort, la perte, à la rendre moins brutale ? Comme Daniel dont on a l'impression qu'il vit dans une bulle heureuse et ignorante des difficiles réalités de la vie, de l'extérieur... L'autre point fort du livre, c'est son ambiance romanesque, à la fois mystérieuse et solitaire, à l'image du manoir Edelweiss où les décors semblent extraordinaires, paisibles, transcendants. L'auteure pousse son intrigue de manière consciencieuse en créant un espace parfait, une interaction entre la réalité, le virtuel et la mort grâce à une Intelligence Artificielle qui va créer des paysages, des lieux de rencontres, des décors pour la rencontre entre les reflets et leurs familles. On a parfois l'impression d'être dans un théâtre où tout est orchestré par une technologie avancée qui anime les reflets. J'ai beaucoup aimé le personnage de Daniel, en pleine quête initiatique et identitaire, qui va se poser les bonnes questions sur la thématique de la mort, du souvenir, du deuil, sur tous ses sentiments exacerbés et profondément romantiques. J'ai aimé le contenu oscillant entre espoir et tristesse, mélancolie et amour, le côté science-fiction dans lequel le virtuel touche du doigt notre quotidien, notre réalité, aussi triste soit-elle, j'ai aimé l'ambiance unique du livre. Un excellent roman, une très belle plume, tout en délicatesse et en subtilité... Un coup de coeur!