Suivant que l’on voit la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide, il s’est passé un événement historique dans l’histoire de Paris le 25 juin ou on a assisté à l’enterrement de première classe d’une grande idée !
Si j’avais écrit une note hier sur les Assises de la Métropole, j’aurais certainement considéré la bouteille comme à moitié vide, et rejoint Philippe Dallier, sénateur du 93 et tenant du Grand-Paris, intervenant avec l’énergie qu’on lui connaît pour dit-il « rompre la monotonie d’une matinée dont le consensus mou semble être la règle du débat », une remarque saluée d’applaudissements. Et il est vrai que lorsqu’on se bat pour construire le Grand-Paris se retrouver à la sortie avec la création d’un Syndicat Mixte Ouvert d’Etude, ça casse un peu le rêve. Dur retour aux réalités de la politique et du consensus mou. Bref ce Syndicat Mixte Ouvert devrait être créé à la rentrée, et avoir une existence officielle début 2009. Parmi ses objectifs « la définition de partenariats possibles et des modalités de co-réalisations des projets de dimension métropolitaine (développement économique, logement, mobilité et déplacements, développement culturel)… la solidarité financière et les diverses hypothèses de péréquation d’une part et de mutualisation d’autre part au sein du cœur d’agglomération et à l’échelle régionale… l’évolution de la gouvernance du cœur de la métropole… »
Consensus mou, d’abord parce que contrairement aux apparences, le fait métropolitain ne va peut-être pas de soi à ce point pour tous comme le fait remarquer Philippe Dallier, thème repris par exemple par le maire de Rueil, Patrick Ollier « on est pas forcément tous d’accord pour se fondre dans un Grand-Paris ». Consensus mou, aussi parce que dans la forme d’union à venir, on pourrait caricaturer que là où certains espèrent une communauté de biens, d’autres comme Patrick Devedjian, président du Conseil Général des Hauts-de-Seine, la verrait bien réduite aux acquêts, déclarant que « l’égalité (entre les territoires) doit se faire par la création de richesses nouvelles ».Et de quels biens parle-t-on ? Le débat qui jusqu’alors tournait essentiellement autour de la création d’une taxe professionnelle unique, met désormais les droits de mutation sur le tapis.
Consensus mou enfin parce que si tout le monde s’accorde sur le fait que c’est une première étape, lorsqu’on parle de la deuxième étape, là on voit bien les divergences. Et lors du point de presse qui a suivi la session des Assises, il était assez amusant de voir comment les orateurs se modéraient les uns les autres. Alors première étape vers de une gouvernance ou pas ? Si le Syndicat Mixte Ouvert a parmi ses objectifs « l’évolution de la gouvernance du cœur de la métropole », certains élus sont pour aller dans ce sens, d’autres pas tous. Et Mireille Ferri, vice-président de la Région, d’expliquer qu’il s’agissait d’un « compromis » après plusieurs semaines de négociations, « on a trouvé une formule qui permet de passer à un mode d’organisation, de concertation, de solutions avec les acteurs présents ce matin… Nous en sommes à ce premier niveau, ne le sous-évaluons pas pour aller vers des choses qui ne sont pas encore mûres ! » On est en droit de se poser des questions sur la solidité d’un tel consensus.
Bref un plus petit dénominateur commun. Quand on se posait la question de Grand-Paris ou Paris Métropole, on se retrouver avec PPDC, unplus petit dénominateur commun… Et là où l’on pouvait rêver d’institutions démocratiques, de président voire de maire du Grand-Paris élu au suffrage universel, on se retrouvera avec un Président du Syndicat Mixte Ouvert « élu par le comité syndical ou, si les statuts le prévoient, par le bureau qu’il a constitué ». Dans cet ordre d’idée on peut aussi se demander où est la société civile, associations, acteurs économiques, dont la participation était annoncée lors de la Conférence Métropolitaine de Vincennes en décembre dernier ? A cette question Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris, chargé des relations avec les collectivités territoriales, répond qu’ils seront bien associés aux travaux de réflexions par groupes de travail sur les grands objectifs du Syndicat Mixte dès la rentrée…
Mais comme je n’ai pas écrit cette note hier, je dois reconnaître avec Pierre Mansat, que le 25 juin et ses Assises de la Métropole était dans une certaine mesure un « événement politique fondateur ».
Tout d’abord, l’affluence autour du baptême de ce Syndicat Mixte Ouvert dans la salle d’Aubervilliers avait quelque chose d’un consensus, non pas mou, mais large avec 200 élus représentant 100 collectivités franciliennes. Et tous les acteurs sont là, les communes, les conseillers généraux, du 91 au 95 (seul le 78 manque encore à l’appel), la région et l’Etat. Mais aussi tous les courants politiques (ou presque) sont là, des UMP de toutes tendances, des centristes, des PS, PC et Verts. Et la photo de famille paraît presque surprendre, tant on s’était fait au boycott de la Conférence Métropolitaine par l’UMP, boycott bravé par quelques élus de droite et du centre dont il faut saluer le fait qu’ils aient été capables de faire passer l’intérêt général devant les consignes politiciennes. Roger Karoutchi, président du groupe UMP à la région et candidat déclaré aux régionales, jouait les bons princes en rappelant que le Syndicat Mixte c’était son idée que l’on avait raillée à l’époque, mais puisque l’on s’y ralliait tout était oublié. Et la photo de famille des présidents de conseils généraux l’UMP Patrick Devedjian (92), le PS Claude Bartolone (93) et le PC Christian Favier (94) réunis à la même tribune, avec Christian Blanc, le Secrétaire d’Etat au développement de la région-capitale, Jean-Paul Huchon le président de la Région Ile-de-France et Bertrand Delanoë, le maire de Paris, pour participer au même événement, avait quelque chose qui allait au-delà du symbole.
Ensuite, même si ce n’est qu’un Syndicat Mixte Ouvert, auquel pourront adhérer les collectivités qui le souhaiteront, comme le fait remarquer le maire de Vanves Bernard Gauducheau, dans les débats « le Gouvernement ne peut plus faire comme si ça n’existait pas ». On a assez reproché, à commencer par Paris est sa banlieue à la Conférence Métropolitaine de ne pas avoir d’existence légale ni de pouvoir de décision. Le Syndicat Mixte Ouvert pourra se présenter en interlocuteur du Gouvernement. Pour preuve la présence de Christian Blanc pendant ses Assises et ses déclarations sur le fait qu’il allait « beaucoup s’appuyer sur vous (les élus) et sur le Syndicat Mixte Ouvert dans les prochains mois », et qu’il était d’accord pour considérer ce Syndicat « tel que défini par Pierre Mansat » pour être un partenaire. Dans cette ambiance positive de consensus, même mou, on avait presque l’impression que le SDRIF allait trouver une solution, lorsque Christian Blanc après avoir une nouvelle fois dénoncé sa « dimension économique tout à fait insuffisante » ajoute qu’il était d’accord avec Bertrand Delanoë et Jean-Paul Huchon et qu’on allait « s’attacher à faire des propositions pour enrichir » ce document, et qu’on « a intérêt à le faire en bonne intelligence dans l’intérêt de tous en Ile-de-France et de tous les français ».
Une volonté de collaboration qu’il faudra tout de même surveiller, car un point faible dans cette nouvelle construction, c’est le calendrier et les différentes échéances ; celles du SDRIF qui doit être adopté en septembre et ensuite transmis au Conseil d’Etat par le Gouvernement, celles du secrétaire d’Etat au développement de la région Capitale qui doit rendre ses premières conclusions vers les mois d’octobre, et celle du Syndicat qui doit être créé à l’automne, mais n’aura pas d’existence légale avant début 2009… Téléscopages à haut risque. Ce qui faisait dire à Mireille Ferri, vice président de la Région : « la question ce n’est pas les délais, mais la volonté de collaboration de l’Etat… »
Un dernier point qui pour Paris est sa banlieue fait de cette création un événement « fondateur », c’est que la publicité qui lui est donnée, avec de tels parrainages et autant de fées politiques autour de son berceau, est un point de non-retour, même si c’est un petit pas, une “structure souple”, mais une structure tout de même. On revient sur l’éclatement du département de la Seine il y a 40 ans en créant une structure de forme EPCI qui rassemble à nouveau ce qui avait été dissocié alors. On officialise par l’objet même du Syndicat Mixte Ouvert le traitement spécifique de la zone dense et donc son existence, même si le périmètre du n’est pas encore défini. Et d’ailleurs, il y a fort à parier que c’est ce Syndicat Mixte Ouvert qui fera se dessiner par lui-même le périmètre de ce Grand-Paris, à travers les adhésions des différentes communes et intercommunalités.
* à suivre, dès demain…
Jean-Paul Chapon