Ce petit essai clinique randomisé de l'Université de Californie - San Diego révèle une efficacité significative mais transitoire d'une dose unique de suramine chez des enfants atteints de trouble du spectre autistique (TSA) en réduisant temporairement leurs symptômes. De premiers résultats d'efficacité d'un médicament centenaire -aujourd'hui utilisé dans le traitement de la maladie du sommeil- qui appellent à des essais plus larges de ce candidat dans le traitement de l'autisme.
Développée en 1916 par les fabricants allemands de colorants, la molécule, baptisée plus tard suramine, utilisée au départ contre les trypanosomes responsables de la maladie de sommeil en Afrique, a suscité, ces dernières années, des promesses contre certaines formes d'autisme. De précédentes études, menées chez la souris modèle d'autisme, ont en effet montré qu'une dose unique de suramine a temporairement inversé les symptômes du trouble neurologique. Les TSA englobent un groupe de troubles du développement caractérisés par des difficultés de communication et de langage, des comportements répétitifs et l'incapacité de socialiser. Leur prévalence est estimée à 1 enfant sur 68, et 4 fois plus élevée chez les garçons que chez les filles.Ce petit essai clinique de phase I / II randomisé, mené à l'École de médecine de San Diego de l'Université de Californie a cherché à vérifier l'hypothèse que la mise en " danger cellulaire " pouvait être un déclencheur du trouble, chez 10 garçons, âgés de 5 à 14 ans, diagnostiqués d'autisme. Les chercheurs ont administré la suramine à 5 garçons en 1 injection intraveineuse, les 5 autres garçons ont reçu un placebo.
D'autant que cette évaluation est basée, précisent les auteurs, à la fois sur des examens d'observation mais également des entretiens et des tests reconnus ( Le traitement permet une réduction mesurable des symptômes d'autisme. Des résultats décrits comme " remarquables " : en effet, les 5 garçons qui ont reçu la suramine présentent des améliorations dans le comportement linguistique et social, une réduction des comportements répétitifs et une augmentation des capacités d'adaptation. Autism Diagnostic Observation Schedule, 2nd edition (ADOS-2), the Expressive One Word Picture Vocabulary Testing (EOWPWT), the Aberrant Behavior Checklist (ABC), the Autism Treatment Evaluation Checklist (ATEC), the Repetitive Behavior Questionnaire (RBQ) and the Clinical Global Impression (CGI) questionnaire ).
-Les familles participantes décrivent également les améliorations perçues chez ces enfants ayant reçu de la suramine " Nous avons constaté des améliorations chez notre fils que nous n'avions jamais connues auparavant " , déclare l'un des parents d'un jeune participant autiste âgé de 14 ans. " Dans l'heure qui a suivi l'injection, l'enfant a démontré plus de contact visuel avec le médecin et les infirmières s'est montré à la fois plus calme mais aussi plus capable d'émotions. Il a commencé à jouer avec son frère de 16 ans... " .
Les auteurs suggèrent que les TSA -et d'autres troubles auto-immunes dont le L'autisme, un dysfonctionnement mitochondrial des cellules du cerveau ? syndrome de fatigue chronique - pourraient être causés par un dysfonctionnement métabolique ou une communication altérée entre les cellules du cerveau, l'intestin et le système immunitaire. Un dysfonctionnement lié à une persistance anormale de la réponse de la cellule au danger ou "stress cellulaire" prolongé. Cette réponse cellulaire au danger est censée protéger la cellule et déclencher le processus de guérison en incitant la cellule à renforcer ses membranes, à interrompre ses interactions avec les cellules voisines et à se refermer sur soi jusqu'à ce que le danger soit passé. Mais lorsque cette réponse cellulaire est bloquée, les cellules se remettent à se comporter comme si elles étaient encore blessées ou en danger ; au niveau moléculaire, l'homéostasie cellulaire ou l'équilibre est modifié, créant une réponse cellulaire anormale qui conduit à la maladie ou au trouble chronique- dont l'autisme. La suramine agit en inhibant la fonction de signalisation d'une petite molécule produite par les mitochondries et libérée par la cellule " en danger " . La suramine inhibe finalement cette réponse continue au danger comme si le danger était écarté et les cellules peuvent revenir à leurs fonctions normales de développement, de croissance et de réparation.
TSA et stress oxydatif, résultat de la réponse cellulaire au danger : ce stress oxydatif identifié dans les cerveaux des enfants autistes peut influer sur la façon dont les neurones et les circuits fonctionnent, entraîner des comportements spécifiques, en matière de communication sociale, par exemple. Ainsi, les scientifiques pensent qui si cette réponse cellulaire au danger n'est pas obligatoirement le facteur fondamental de l'autisme, il vient se combiner avec d'autres facteurs, tels que la génétique ou les toxines environnementales.
C'est tout l'enjeu ouvert par ce premier essai. Car les améliorations apportées aux fonctions et aux comportements cognitifs des garçons traités atteignent ici un pic puis disparaissent progressivement après quelques semaines. Il s'agit donc de pouvoir lancer une étude plus vaste, avec des doses multiples et sur de plus longues périodes, pour pouvoir déterminer si les améliorations se poursuivent ou s'il existe des effets secondaires. Faire du bénéfice thérapeutique temporaire de la suramine un bénéfice " de fond " ? Cependant, ces premiers résultats sont déjà très encourageants à la fois en raison des améliorations constatées chez ces enfants autistes mais aussi de la meilleure compréhension du rôle du stress cellulaire dans le développement de ce trouble.
Annals of Clinical and Translational Neurology 26 May 2017 DOI: 10.1002/acn3.424 (Visuels@: Science Museum, Londres et@Thomas Deerinck, National Center for Microscopy and Imaging Research, UC San Diego) Low-dose suramin in autism spectrum disorder: a small, phase I/II, randomized clinical trial
Accéder aux dernières actualités sur l'Autisme