La démonstration la plus caricaturale nous est fournie par la SNCF et sa marque « inOui » destinée à remplacer le bon vieux TGV. Après un week-end de critiques et de plaisanteries, ses dirigeants se sont ainsi réfugiés derrière un argument imparable pour justifier le nom retenu : ce sont les clients qui l'ont choisi. Ce n'est malheureusement pas une excuse, car outre la possibilité que la démarche de consultation ait été mal conduite, il doit toujours être admis que les clients ne sont pas automatiquement de bon conseil.
La seconde initiative est celle de BNP Paribas, « Ideas », dont la banque se félicite des premiers résultats obtenus. Destinée à recueillir des suggestions d'innovation et les avis de ses clients sur de nouvelles options qu'elle leur propose elle-même, elle révèle, dans sa partie publique, des réactions tout à fait conventionnelles sur des propositions sans surprises. Et je soupçonne que les autres idées soumises ne font pas preuve de plus d'originalité, la plupart étant probablement inspirées par d'autres banques.
Grâce à la généralisation des nouveaux modes de communication en ligne, facilitant les interactions de masse, les entreprises se sont prises à rêver qu'il suffisait de demander à leurs clients et prospects ce qu'ils désiraient ou ce qu'ils imaginaient pour enclencher une démarche d'innovation. Malheureusement, après les centaines d'expériences du genre menée au fil des années, il faut se rendre à l'évidence : aucune idée géniale n'en a (presque ?) jamais émergé (ce qui ne préjuge pas d'autres objectifs qui leur seraient assignés, tels que la constitution d'une communauté dans le cas de BNP Paribas).
Il n'est rien d'étonnant à ce constat car il est nécessaire d'adopter un certain état d'esprit pour éveiller la créativité, dont les conditions sont rarement réunies par les appels à contributions ouverts. Invariablement, les personnes sollicitées en viendront à évoquer des solutions qu'elles ont vues ailleurs et que l'entreprise aurait pu (dû) identifier avant elles. Il est beaucoup plus productif, à ce stade, de rechercher avec les clients (soit activement, soit par observation passive) les douleurs qu'ils rencontrent.
Plus généralement, peut-être est-il utile de rappeler que, dans toute réflexion d'innovation, mieux vaut partir d'un problème pour lui trouver une solution, plutôt que l'inverse. Hélas, c'est bien une pratique largement répandue que de commencer le processus par une recherche d'idée dont on ne se préoccupera que plus tard des manques qu'elle peut combler. Incidemment, cette approche est directement responsable de l'apparent manque d'imagination des clients, en limitant leur perspective à des modèles existants.