Trois McEwan dans la même semaine, ça éprouve un système nerveux. Le dernier en date et pour un bon moment (je dois me reposer) nous entraîne dans un haletant thriller psychologique. Délire d’amour. Le titre en dit long.
La tension s’est d’ailleurs installée dès les premières lignes. Le récit commence ainsi :
Le début est facile à situer. Nous sommes au soleil sous un chêne chevelu, qui nous protège un peu des bourrasques du vent. Agenouillé dans l’herbe, j’ai un tire-bouchon à la main et Clarissa me tend la bouteille – un daumas gaïac 1987. C’est là qu’est plantée l’épingle sur la carte du temps : j’allonge le bras et, au moment où ma main entre en contact avec le verre froid du goulot et la noire capsule métallique, nous entendons un homme crier. Nous nous tournons pour regarder vers l’autre bout du pré et nous découvrons le danger. Et puis, je me retrouve à courir dans sa direction. La métamorphose est absolue; je ne me souviens pas d’avoir lâché le tire-bouchon, de m’être relevé, d’avoir pris une décision ni entendu Clarissa me lancer une mise en garde. Quelle bêtise de foncer ainsi tête baissée dans cette histoire et ses dédales, de m’éloigner à toutes jambes du bonheur que nous goûtions au pied du chêne dans l’herbe fraîche du printemps.
Voilà, le décor est posé et quelque chose en soi commence à se recroqueviller dans la conscience du malheur embusqué.
Toujours cette écriture précise et efficace et ces images qu’on aimerait avoir trouvées soi-même. C’est là qu’est plantée l’épingle sur la carte du temps… magnifique quand même! Plus loin…
Pour me calmer, j’ai eu recours à ce bilan quotidien de souffrances survolées, le journal télévisé.
Mais, bon, je prends congé de McEwan. Tant d’intensité demande des périodes plus méditatives, plus douces, ou tout au moins d’une autre violence.
Ian McEwan, Délire d’amour, Gallimard, 2001.