Le titre original, The Autopsy of Jane Doe, sonne mieux que sa réinterprétation française. La question que pose ce petit film d’horreur n’est pas tant de connaître l’identité d’une parfaite inconnue (« Jane Doe » est le nom que l’on donne aux anonymes), mais de construire un attrait morbide pour son cadavre.
<-- more--="">Présences d’un cadavre
Le visage de Jane Doe (Olwen Catherine Kelly) captive. Yeux gris grand ouverts, petite bouche entrebâillée, teint pâle : même dans la mort, sa figure attire et dérange le regard. Là se trouve l’intérêt du film d’André Øvredal : dans l’inquiétante étrangeté. Le concept freudien a été plus que rebattu par le cinéma fantastique, et pourtant ces gros plans fixes sur un visage expressif dans son immobilité même ont de quoi perturber l’imagination. Comme si l’on attendait, à chaque plan sur Jane Doe, que ses yeux s’animent, que sa bouche pousse un grognement ; qu’elle reprenne vie. Ce qui, bien attendu, n’arrivera pas, et confirmera le processus d’investissement psychologique et affectif du spectateur dans un objet cadavérique.Car Jane Doe offre un cas étrange de présence-absence. Si elle ne semble pas de prime abord actrice des événements angoissants qui arrivent ce soir-là dans la morgue (orage, panne d’électricité…), le film construit cependant son caractère fantastique à partir d’elle. Point aveugle de l’existence humaine, la situation post-mortem devient alors un lieu de fantasmes, autour duquel gravitent les êtres encore vivants. Une mise en scène efficace mais clichée
Telle aurait due être la voie empruntée par le film. Car si la mise en scène se révèle efficace pour faire monter la tension horrifique, elle repose sur des procédés plus que clichés. Au lieu de s’attarder sur le visage de Jane Doe et les fantasmes qu’il suscite chez le médecin légiste (Brian Cox) et son fils (Emile Hirsch), The Jane Doe Identity rejoue l’éternel réveil des morts et le huis-clos terrifiant qui s’ensuit.Et le film ne manque pas d’abuser sur des ressorts déjà bien usés. En premier lieu le fameux fusil de Tchekov, soit l’utilisation plus tard dans le film d’éléments scéniques présentés dans les séquences introductives : ici, la sonnette attachée au pied d’un mort, au cas où celui-ci se réveillerait, et qui bien entendu fait tinter son délicieux bruit dans les couloirs de la morgue.Ensuite, des jumps-scare que souligne un son très aigu : si l’image portait en elle-même une puissance horrifique, pourquoi la mettre en concurrence avec un son désagréable ? Cela ne fait que démasquer le caractère inexpressif de l’image, dont la seule force réside dans l’irruption brutale dans le montage – et encore, on finit par s’attendre à chaque jump-scare –, et donc la faiblesse de la structure affective du film.Enfin, les moments mélodramatiques, absurdes tant ils arrivent comme des cheveux sur la soupe. Ils n’ont pas d’autre but que d’offrir une pause émotionnelle au spectateur. Mais en faisant cela, la tension retombe comme un soufflé raté, et le film s’égare dans des considérations psychologiques de bas-étage (la relation père-fils), alors qu’il aurait pu choisir une voie plus fascinante.En un mot, on ne boude pas son plaisir de spectateur devant un bien ficelé The Jane Doe Identity, mais on ne satisfera pas une cinéphilie en quête de singularité et d’une réelle prise en compte esth-éthique des sujets traités.
The Jane Doe Identity, André Øvredal, 2017 Maxime