Il y avait ces mots à signer dans le carnet de correspondance, à moins qu'on ne dise cahier de liaison puisque tout change, deux fois les mêmes avec les cases à cocher pour être bien sûrs que chaque enfant reçoive la bonne saucisse lors de la fête, après tout elles sont soeurs mais rien ne les oblige à préférer toutes deux les casse-croûtes un peu mous à ceux un peu trop grillés, juste après s'être trémoussées sur des musiques qui font danser quand on oublie d'en écouter les paroles, sous l'oeil fier mais un peu humide des papas, devant le trop plein de mascara qui dégouline des mamans. Je ne sais pas pourquoi ça nous chamboule tant, et toujours aussi efficacement les années passant.
Il y avait aussi cette phrase laconique, deux fois toujours, qui les a fait ce matin choisir avec soin leur plus jolie robe, et même leur plus jolie culotte des fois que ça se verrait qui sait. Elles, au moins. Et moi, de fait. Elles ont réclamé qui une tresse, qui une fleur dans les cheveux. Tenté de négocier un soupçon de fard à paupières et soyons fou du vernis à ongles, mais pour ça on n'avait plus le temps puisque le temps des bouchons et du travail qui commence trop tôt est revenu.
Il y avait ce matin un peu plus d'excitation encore dans leur pas, et bien plus de têtes bien peignées et de gamins endimanchés dans la cour de l'école. Peut-être un noeud papillon ou une robe blanche échappés des dernières communions, avec pour recommandation de ne pas se salir, ce qu'ils oublieraient bien vite au premier ballon qui volerait par là.
Ce matin, c'est la photo de classe, disait le mot en double exemplaire. Celle où ils sont tous si mignons qu'ils font oublier le chahut organisé la veille dans la classe. Celle où il y a toujours un camarade pour regarder ailleurs, fermer les yeux ou faire une grimace au moment critique. Parfois même des oreilles de lapin à l'enfant timide assis devant qui ne se doute de rien et dont les parents fulmineront quelques heures durant. Celle qu'on ramène comme un trésor avant de l'oublier dans un tiroir pour une décennie ou deux. Qu'on retrouve à l'occasion d'un déménagement et qu'on regarde avec tendresse, vestige d'un temps édenté et heureux, et la mémoire des noms et des histoires nous joue des tours tandis que notre doigt défile sur les visages.