A Marseille, un superbe hôtel particulier inséré en pleine ville près du vieux port ne laisse guère deviner son histoire liée à la pêche du corail sur les côtes nord de la Tunisie et au commerce des laines, de la cire et des cuirs. Au dix-septième siècle la Compagnie du Cap Nègre enrichie par cette activité multiple édifie ce bâtiment qui abrite aujourd’hui le musée Cantini, nom laissé par Jules Cantini dernier propriétaire du lieu avant que l’hôtel ne soit légué à la ville de Marseille. Il faudra attendre 1936 pour que le musée Cantini devienne effectivement un musée d’art décoratif.
En 2017, c’est une histoire plus récente qui est présentée dans ses murs. Le CIRVA, Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques, fête ses trente ans d’existence à Marseille. Cet anniversaire offre l’occasion de montrer la collection unique qui s’est enrichie depuis le début de ses activités pour compter aujourd’hui environ six cent œuvres.
La particularité du CIRVA tient au protocole établi entre les artistes et ce lieu de production. Centre d’art et atelier de recherche et de création contemporaine, l’établissement accueille des plasticiens, designers ou architectes ayant des pratiques variées et désirant introduire le verre dans leur démarche créatrice. Ces artistes développent leurs projets de recherche assistés de l’équipe technique du CIRVA , selon les modalités et le rythme convenant à chacun des projets. Il s’agit donc d’un véritable laboratoire pensé pour les artistes, dans l’idée de leur offrir un espace et un outil de travail unique. Depuis plus de vingt ans, le CIRVA a accueilli deux cents artistes pour des objectifs divers, tant dans le domaine de l’art contemporain que du design et des arts décoratifs.
Figure imposée
» Mort à Venise »1993-1997. Erik Dietman,
Ce que montre l’exposition du musée Cantini éclaire ce qui, pour des artistes contemporains, constitue une figure imposée : accepter d’utiliser le verre pour prolonger une démarche qui peut se révéler aux antipodes du design et des arts décoratifs. Certes, depuis « Le grand verre » réalisé entre 1915 et 1923 à New York par Marcel Duchamp, ce matériau participe à l’histoire de l’art contemporain. On en peut oublier non plus l’usage agressif et tranchant qu’en faisait Daniel Pommereulle.
Pour autant son utilisation relève le plus souvent des arts décoratifs. Si bien que chaque artiste se trouve confronté à une forme de défi pour s’approprier le verre et le soumettre à une démarche inhabituelle, inattendue, décalée.
Erik Dietman ne s’est pas privé de ce jeu décapant avec notamment » Mort à Venise » (1993-1997). Jean-Luc Moulène prend au pied de la lettre l’expression « cage de verre » pour For Birds (2012) qui a les honneurs de l’affiche. « Le Petit Ange rouge de Marseille » (1991-1993) de James Lee Byars occupe une place privIlégiée dans la plus vaste salle du musée.
« Le Petit Ange rouge » (1991-1993) James Lee Byars
L’exposition qui n’a aucune vocation chronologique opère, par ailleurs, une mise en perspective de ces créations contemporaines avec la présence d’artistes désormais inscrits dans l’Histoire de l’art. Ainsi Shirley Jaffe ou Hans Hartung notamment s’invitent au sein de ce parcours.
Détourné de ses fonctions utilitaires, le verre confirme dans « Une maison de verre » sa disponibilité pur toutes les audaces, le détournements au-delà des pratiques historiques des arts décoratifs
« Une maison de verre »: Le CIRVA »
Du 17 mars au 24 septembre 2017
Musée Cantini
19 rue Grignan
13006 Marseille