[Revue de Presse] HISTOIRE. «Sgt. Pepper’s», la révolution pop des Beatles

Publié le 28 mai 2017 par John Lenmac @yellowsubnet

En pleine éclosion du flower power, les Fab Four sortaient, il y a cinquante ans, " Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ". Cet album concept aussitôt culte change pour toujours la face du rock. Bien joué, petits scarabées !

Fini, les hurlements des foules, place au silence. Le 24 novembre 1966, à Londres, les Beatles s'enferment dans leurs studios de prédilection d'Abbey Road pour donner un successeur à leur septième album, le brillant " Revolver ". Ils ont décidé d'arrêter définitivement les tournées, qui ont fait d'eux des pop stars planétaires, mais des musiciens frustrés. Comme le résume le batteur Ringo Starr : " Nos instruments étaient couverts par les cris, nous ne nous entendions pas et nous ne progressions plus. "

N'ayant plus à jouer leurs nouvelles chansons sur scène, les Fab Four (les quatre fabuleux) peuvent créer en studio la pop orchestrale et futuriste dont ils rêvent. La sortie outre-Atlantique, en mai 1966, de l'album " Pet Sounds " des Beach Boys leur a mis la pression. A 74 ans, Paul McCartney peut bien avouer, aujourd'hui, que l'oeuvre de ce " grand génie " de Brian Wilson, tête pensante du groupe, fut sa " plus grande influence " et qu'il y a même " pioché quelques idées ".

Dans le studio, George Martin, le brillant producteur des Beatles, leur laisse carte blanche. " Cet album est le moment le plus heureux pour mon père et pour le groupe, résume Giles Martin, son fils, à qui l'on doit les rééditions du 50e anniversaire sorties vendredi*. Et mon père est comme une antenne satellite qui capte toutes leurs idées et les retranscrit en chansons. Il est à la fois très discipliné, créatif et ouvert. Il ne refuse jamais une idée, même la plus saugrenue. "

129 jours d'enregistrement

L'album est le théâtre d'une " compétition amicale " entre deux auteurs-compositeurs d'exception, Paul McCartney et John Lennon. " Ils sont alors en pleine créativité, raconte Giles Martin. Pendant plus de quatre mois, ils prennent la liberté et le temps de tester de nouveaux instruments, dont ceux rapportés d'Inde par George Harrison, et de nouveaux sons. Aucune chanson de l'album ne se ressemble. C'est rare. " Et le groupe fait corps. " C'est d'une efficacité prodigieuse ", s'enthousiasme Giles Martin, qui a écouté et toiletté tous les enregistrements d'époque. Les Beatles enregistrent live dans le studio, car ils savent parfaitement ce qu'ils ont à faire. Et ils n'ont même pas fini le mixage de " Sgt. Pepper's " qu'ils ont déjà écrit leur album suivant, " Magical Mistery Tour ".

VIDEO. Les Beatles : "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band"

En écho à une société en pleine mutation - le front anti-guerre au Viêt Nam, l'usage des drogues -, l'enregistrement s'étale sur 700 heures et 129 jours. " Une joyeuse éruption de vie ", résume George Martin dans le documentaire inédit qui accompagne le coffret du 50e anniversaire. " L'odeur de l'encens couvrait celle de la marijuana ", raconte-t-il. " Mais ils ne fumaient jamais en sa présence et ne jouaient jamais stoned, précise son fils Giles. "

A sa sortie, le 1er juin, l'album connaît un énorme succès critique et populaire. C'est l'une des bandes-son du " summer of love ", cet été 1967 où explose la contre-culture hippie. " Les gens n'écoutent plus juste un groupe, mais un nouveau monde, plus seulement un album pop, mais une oeuvre picturale, commente Giles Martin. Ce n'était pas mon album préféré des Beatles avant que je ne travaille dessus, mais ça l'est désormais. J'ai compris pourquoi il a influencé tant de musiciens. "

Né deux ans après cet album, Giles Martin a évidemment pris très à coeur la supervision de cet anniversaire. " Nous avons utilisé le même studio, le même équipement, dit-il. J'ai beaucoup observé mon père, disparu il y a deux ans, je connais aussi très bien Paul et Ringo. J'ai travaillé avec leur esprit, les vivants et les morts. Avec leurs fantômes. "

* Pour son 50e anniversaire, l'album ressort dans de nombreuses versions remastérisées et remixées, du double CD à 25 € au coffret de luxe à 105 €. Une exposition à la Maison de la radio (Paris XVIe) célébrera à partir du 2 juin les 50 ans de l'album.

Une pochette elle aussi historique

A album audacieux, pochette ambitieuse. Pour " Sgt. Pepper's ", McCartney demande à deux artistes contemporains, Peter Blake et Jann Haworth, de réunir sur une image les personnes qui ont fait le XXe siècle. Les Beatles donnent chacun leur liste : Bob Dylan, Tony Curtis, Marilyn Monroe, Karl Marx, Laurel et Hardy, Marlon Brando, Marlene Dietrich, William Burroughs... Les propositions provocatrices de John Lennon, qui cite Hitler et Jésus-Christ, sont retoquées. Le label EMI retire également Gandhi proposé par George Harrison. La pochette est réalisée en studio, avec une photographie à taille réelle des silhouettes des personnages. Au premier rang, les Beatles en cire de Madame Tussauds côtoient les " vrais ", qui posent en musiciens de fanfare.

La pochette coûte cher, près de 3 000 livres (3 400 €), mais elle marque les esprits, remportant même un Grammy Award...

Source : Le Parisien