Si j’avais un reproche à adresser à Ian McEwan, ce serait la brièveté de ses romans. Ce qui est du moins le cas pour les deux que j’ai eu le bonheur de lire coup sur coup. Car on en prendrait encore et encore de cette écriture sensible à l’extrême aux tâtonnements du cœur humain.
McEwan réussit à tisser une histoire captivante sur ce mince fil narratif, faisant d’habiles allers-retours entre l’instant présent et le passé de ses protagonistes. C’est tout comme si nous étions en train d’observer un peintre travaillant sur le motif. Avec une finesse et une subtilité rares, il trace les contours de ses personnages, leur couleur, leurs émotions contradictoires. Sur la plage de Chesil, c’est le roman de l’ambivalence, du malaise croissant, du poids du non-dit, de l’indicible, des interprétations erronées mutuelles et de leurs conséquences. Quelle maîtrise du récit! Et quelle élégance, quelle précision dans le style!
Alors qu’il était censé lire, il dévorait Florence des yeux, en adoration devant ses bras nus, son bandeau dans les cheveux, son dos très droit, le mouvement gracieux de son menton lorsqu’elle calait son instrument dessous, la courbe de ses seins bien visible face à la fenêtre, ses jambes hâlées que frôlait l’ourlet de sa jupe en coton au rythme des coups d’archet, les muscles délicats de ses mollets qui se contractaient au moindre déplacement ou balancement.
On dit de McEwan que chacun de ses romans est différent, qu’il peut passer avec le même bonheur d’un genre à l’autre. Mes deux lectures consécutives le confirment. Sur la plage de Chesil nous transporte dans un tout autre univers que celui de L’intérêt de l’enfant. Un univers feutré, confiné, tout d’intériorité, avec quelque chose de décalé, de presque victorien. Génial!
Ian McEwan, Sur la plage de Chesil, Gallimard, coll. Folio, 2008 (pour la traduction française), 175 pages