Reflet de nos émotions et de notre état mental, le souffle est indissociable du travail du corps. La manière dont nous respirons a des répercussions importantes sur notre état général. Entretien avec Jean-Pierre Laffez, kinésithérapeute, directeur de l’École française de yoga du Sud-Ouest et des Académies du yoga de l’énergie de Paris.
Le premier mouvement d’inspiration du nouveau-né n’est qu’un mouvement, certes vital, mais mû par une énergie qui était là avant cet instant. L’analyse du mot prana apporte un éclaircissement : « pra » indique la continuité des événements, des choses créées, et « na » sous-entend un mouvement, un déplacement. Prana est une puissance à la fois de déplacement, de manifestation et de réintégration. Toutes les traditions considèrent la respiration comme importante. Les Upanishads, les grands textes de l’hindouisme, et ceux qui sont plus en rapport avec le yoga le rappellent continuellement. La pratique du yoga donne les moyens d’expérimenter un des aspects subtils de prana. Nous pouvons différencier la manière de respirer (pranayama) et l’art de respirer (prana-ayama). La première concerne l’aspect physique de la respiration, des rythmes, une durée, pour simplifier, une gymnastique respiratoire. L’art de respirer nécessite de découvrir l’aspect subtil du souffle. Une possibilité d’avoir conscience de sa respiration sans chercher à modifier son mécanisme. L’art et la manière sont complémentaires.
Chacun peut expérimenter l’effet d’une respiration calme sur ses fonctions autonomes et volontaires. Les nerfs des muqueuses nasales sont en rapport avec l’ensemble des organes. Une mauvaise respiration, c’est reconnu par la médecine moderne, peut perturber la santé. Une respiration incorrecte peut créer des troubles organiques. Bien régulée, elle réharmonise les fonctions. Le diaphragme est l’autre organe indissociable de la respiration. Pouvez-vous nous le décrire et nous préciser son action ? Par son emplacement, le diaphragme est à la fois un centre et une cloison. Il partage le « ciel » de la « terre », le yang du yin. Il appartient au ciel par sa face supérieure, son rôle respiratoire, en contact indirect avec l’air, lié à la phonation. Il appartient à la terre par sa face inférieure et son rôle pneumatique sur la cavité abdominale. Sa face supérieure est convexe, sa face inférieure est concave. Grand ouvrier de la respiration, il est indispensable à la vie. En se contractant, ce muscle augmente tous les diamètres du thorax. Lors de l’inspiration et de l’expiration, la respiration a une importance physiologique, psychologique et symbolique. Le diaphragme a été comparé à un « inconscient » physique, emmagasinant toutes les tensions.
Tous les exercices qui provoquent l’expiration favorisent la détente de ce muscle, « magasin » des tensions les plus anciennes, souvent oubliées, sinon méconnues. Faites expirer vos poumons, vous ne vous tromperez pas. Une détente du diaphragme se communique à tout le corps. On y parvient par de nombreux exercices que l’on pratique progressivement. L’entraînement régulier permet de faire agir plus méthodiquement le système nerveux parasympathique. Nous sommes venus au monde avec une inspiration et nous le quitterons par absence d’inspiration à la suite d’une expiration : nous avons rendu le dernier souffle. Le rire est une expiration alors que le sanglot est une inspiration. C’est facile à vérifier. Sans être hilare, nous pouvons rire. Quelqu’un a dit : « Un saint triste est un triste saint… »
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