Les résultats provoquent quelque préoccupation. L'Argentine s'est longtemps reposée sur la croyance, largement partagée dans l'opinion publique et répétée à l'envie par les politiciens aux affaires, que son système scolaire était efficace et l'un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur, de la région. On entendait toutefois des voix dire que le niveau baissait et qu'il était même catastrophique et que tout le système était bel et bien sclérosé et vicié par la politisation à outrance des syndicats enseignants (1). Au cours de la campagne électorale, Mauricio Macri avait promis de redonner un élan à l'ensemble du système pour faire remonter le niveau, qu'il déclarait catastrophique. Beaucoup avaient pris cette constatation pour un argument électoraliste, une preuve de sa mauvaise foi et de son hostilité envers la majorité sortante. Il y avait peut-être un peu de cela mais visiblement le diagnostic était solide.
En octobre dernier, à deux mois et demi de la fin de la première année scolaire du présent mandat présidentiel, il a été procédé à une vaste évaluation dans tout le pays et ce sont ces résultats qui viennent d'être mis en ligne sur la plate-forme aprenderdatos, qui dépend d'un sous-secrétariat d'Etat au sein du Ministère de l'Education.
Les enfants d'une école privée de Mendoza se prépare pour l'Acto del 17 de Agosto, ce 17 août 2016
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et pour reconnaître Remedios, dans sa belle robe bleue de princesse républicaine et locale,
les soldats royalistes en vareuse rouge et pantalon blanc,
et les fiers grenadiers à cheval de San Martín dans leur bel uniforme bleu marine mais sans monture !
Ces chiffres ne sont pas bons et ils justifient que le Gouvernement s'attelle au plus tôt à une profonde réforme des programmes et de l'organisation de l'enseignement. Moderniser la pédagogie au lieu de se contenter de moderniser le matériel (mettre à disposition des ordinateurs et du Wifi, par exemple) ne serait pas un luxe non plus... En discutant moi-même avec des classes de tous âges, dans la banlieue de Buenos Aires, à Mendoza et dans la province de San Luis, ces deux dernières années, j'ai été assez surprise du peu d'autonomie d'apprentissage des adolescents en fin de scolarité, de leur passivité indocile et indisciplinée et du discours très simpliste, patriotard et moralisateur que leur tenaient certains enseignants et directeurs d'établissement (on ne s'étonnera pas dans ces conditions qu'ils n'en retiennent rien, à l'heure d'Internet, de Youtube et des réseaux sociaux). Chez les plus petits, ce qui m'a le plus frappée l'année dernière, c'était qu'ils ne comprenaient strictement rien à ce que leurs instituteurs leur avaient fait apprendre, d'autant que je les rencontrais dans un cadre particulier : la célébration, très festive au demeurant de la Fête de San Martín, autour du 17 août. Il était manifeste qu'ils ne comprenaient aucune des paroles de la Marcha de San Lorenzo qu'ils chantaient toutefois avec un entrain de bon aloi et qu'ils ne comprenaient rien non plus aux dialogues appris par cœur dans la saynète, quelque peu simplette, où ils étaient censés représenter les événements historiques de la guerre d'indépendance. Ils débitaient leur texte comme des perroquets, sans s'amuser le moins du monde, avec des regards affolés vers l'institutrice en cas de trou de mémoire et ne se déridaient vraiment que lorsqu'il fallait dégainer un sabre en carton pour faire semblant de se bagarrer (2). C'était d'autant plus poignant que j'ai plutôt visité des établissements de très bon niveau où j'ai surpris bien des enseignants (et des élèves) par mes interventions interactives, en dialogue avec la classe, alors qu'ils attendaient tous et de toute évidence une conférence magistrale super-rasoir, comme c'est la coutume de la plupart des conférences dans tout le pays.
C'est la première fois depuis la mise en place de l'école obligatoire que l'Etat prend ainsi le taureau par les cornes et qu'il met sur la table la réalité de la situation. Il faut espérer que le choc de ces données sera salutaire et aidera l'opinion publique à soutenir le vaste chantier que le gouvernement veut mettre en place (3) et que les syndicats d'enseignants, très conservateurs même s'ils votent à gauche, pourraient bien vouloir entraver.
Pour aller plus loin : lire l'article de La Nación lire l'article de Clarín consulter la plateforme Aprender consulter la page Facebook du Secrétariat d'Etat à l'évaluation scolaire.
A noter : Página/12 ne semble pas s'intéresser au sujet ! Pas un mot sur son site Internet aujourd'hui.
(1) Ils en ont fait à nouveau la démonstration cette année avec une grève interminable au détriment des enfants alors qu'ils pourraient envisager des méthodes plus efficaces de lutte salariale, laquelle est parfaitement légitime au demeurant. (2) Quant aux petites filles, elles ne s'amusaient qu'au moment de défiler, quelques secondes à peine, sur la scène dans leurs belles robes d'époque avec une petite mantille blanche que portait fièrement une première de la classe à laquelle revenait l'honneur d'interpréter Remedios de Escalada de San Martín, l'épouse du héros ! (3) La France est dans une situation similaire et doit elle aussi réformer au plus vite son système scolaire, devenu une véritable usine à générer de l'inégalité, de l'échec social et du traumatisme culturel, à l'inverse des généreuses valeurs politiques et intellectuelles sur lesquelles il est fondé et desquels il croit être toujours nourri, figé qu'il est dans l'image qu'il s'est fait de lui-même à travers les discours de Jules Ferry, il y a un siècle et demi !