Louis XVII, de Hélène Becquet

Par Plumehistoire

(5,5 / 6)

   Dès les premières pages, Hélène Becquet annonce la couleur. Que les lecteurs s’attendant à voir surgir un énième rebondissement dans « l’énigme Louis XVII » passent leur chemin. Comme le rappelle très bien l’auteur, les élucubrations relatives à une éventuelle substitution du petit Roi lors de son emprisonnement se sont taries. Nous savons que l’enfant décédé dans sa cellule en 1795 était bel et bien le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette.

   Il s’agit en réalité d’une réflexion profonde sur l’instrumentalisation politique de cet enfant qui devient, dès les premières années de la Révolution, l’espoir d’une grande partie des français, avant de symboliser le Roi martyr et d’offrir à tous les royalistes une figure à laquelle se rattacher.

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Une enfance choyée

Copie par Eugène Bataille du portrait peint par Wertmüller représentant Marie-Antoinette avec ses enfants Madame Royale et Louis-Charles – Musée du château de Versailles

   Hélène Becquet restitue avec justesse les années dorées de la petite enfance de Louis-Charles. L’enfant vit dans un cocon protecteur, entouré d’amour et de tendresse. Très proche de sa sœur Madame Royale, en adoration devant son père, il est aussi particulièrement choyé par une mère parfaitement à l’aise dans son rôle. C’est l’occasion pour l’auteur de rappeler combien Marie-Antoinette fut une mère moderne, impliquée dans l’éducation de ses enfants dont elle connaissait parfaitement le caractère.

   Des détails très intimes nous immergent dans le quotidien du prince, que l’on imagine avec attendrissement jouer avec les ancêtres du yoyo ou de la toupie, s’adonner à des parties de loto avec ses parents ou se pavaner dans les couloirs déguisé en chevalier… 

   Hélène Becquet rappelle aussi l’importance du personnel directement en contact avec celui qui devient Dauphin en 1789. Les serviteurs de la famille royale, et plus particulièrement de Louis-Charles, prennent leur métier très à cœur. Ils vivent en permanence dans l’intimité du petit, et nouent des liens inaltérables avec leur protégé, notamment sa gouvernante Madame de Tourzel et la fille de cette dernière, Pauline de Tourzel.

La domesticité royale sera en effet un réservoir de fidélité au temps de la Révolution, certains serviteurs risquant leur vie pour leurs maîtres aux temps les plus difficiles.

Une popularité mal exploitée

   Après ces années insouciantes, les remous révolutionnaires représentent un choc pour l’enfant. Son monde vacille et il se rend bien compte de l’angoisse qui étouffe ses parents. Cependant, s’il est confronté à plusieurs reprises à une foule en colère, cette hostilité n’est jamais dirigée contre lui, mais plutôt contre la Reine, et un peu plus tard, contre le Roi.

   L’auteur explique avec subtilité combien la fuite ratée de la famille royale, arrêtée à Varenne en 1791, constitue une dégradation irréversible de l’image de Louis XVI et une inversion des rôles. Le Roi, qui jouissait encore d’une bonne popularité, perd tout prestige et se voit traîné dans la boue au même titre que sa femme. Les caricatures les mettant en scène se font parfois extrêmement violentes et ordurières. Au contraire, le Dauphin est souvent épargné par les calomnies. Il incarne une forme d’espoir et de renouveau.

Au lendemain de Varennes, toute une partie de l’opinion a donc reporté ses attentes sur Louis-Charles, que sa jeunesse innocente des fautes prêtées à son père.

   Tant que la famille royale résidait aux Tuileries, il aurait fallu profiter de l’excellente image de Louis-Charles auprès du peuple. Le rapatriement de Louis XVI et des siens à Paris offre en effet une occasion unique de se rapprocher de leurs sujets, dont ils sont coupés depuis Louis XIV et l’installation de la Cour à Versailles. 

Le Dauphin Louis-Charles par Dagoty – St James Gallery, Londres

   Malheureusement, l’éducation et les habitudes de Louis XVI et Marie-Antoinette ne les ont pas du tout préparés à affronter cette promiscuité. Ils se trouvent en contact direct avec leurs sujets les plus humbles, qui sont autorisés à se promener dans le jardin des Tuileries.

   Leur fils, bel enfant joueur et spontané, fait les délices des badauds et des soldats. L’ouvrage croque sur le vif des anecdotes émouvantes, certaines réparties du Dauphin et des instants de contact privilégié avec les parisiens, qui laissent espérer un retournement de situation en faveur de la famille. Hélas, les souverains (surtout la Reine) se montrent méfiants. Imprégnés de leurs préjugés, ils échouent à tirer parti de l’immense popularité de leur fils.

La vérité, rien que la vérité

Louis XVII représenté en Dauphin par Alexander Kucharski (Collection du château de Versailles)

   Le fait qu’Hélène Becquet se cantonne aux faits, sans chercher à émettre des hypothèses sans queue ni tête, ni à diaboliser les gardiens de la famille au Temple, est particulièrement appréciable. Ainsi, elle ne jette pas tout à fait la pierre aux Simon, pourtant réputés pour avoir été les véritables tortionnaires de Louis XVII.

   L’auteur rappelle notamment que le pauvre enfant était atteint par la même tuberculose dévastatrice qui avait emporté son frère aîné. Sa détention au Temple dans des conditions insalubres n’a fait que réveiller la maladie et accélérer le processus.

L’enfermement, le manque d’exercice, la nourriture médiocre, sans doute le froid ont dégradé l’état de santé du prince. Mais la maladie était là, redoutable.

   Cette volonté de toujours rester au plus proche de ce que les sources nous permettent d’affirmer, n’empêche pas Hélène Becquet de restituer cette vie tragique brisée si jeune dans toute son intensité.

   On pourrait lui reprocher de manquer parfois de proximité avec le principal protagoniste de son ouvrage. Mais le style est fluide, agréable à lire, les analyses sont pertinentes et l’objectivité précieusement conservée jusqu’à la dernière ligne atteste du sérieux des innombrables recherches.

Post-mortem

   Un tiers de l’ouvrage est centré sur l’instrumentalisation politique de Louis XVII après sa mort. Hélène Becquet s’attarde sur l’incohérence des discours royaux sous la Restauration. Les frères de Louis XVI tentent, parfois avec difficulté, de donner à leur neveu martyr une place dans la continué dynastique.

Roi enfant, roi innocent, roi non sacré, et enfin roi non régnant, Louis XVII peine à endosser la dignité royale.

   L’enfant reste cependant l’incarnation de la victime sacrifiée aux horreurs révolutionnaire. Romans, gravures et estampes mêlant fiction et réalité fleurissent dès les premières années de l’Empire. Tout en rappelant les tentatives infructueuses pour retrouver le corps de l’enfant, l’auteur étudie le profil des innombrables « faux Louis XVII » qui surgissent à intervalles réguliers. Pour la plupart fervents royalistes, déçus par le régime alors en place, en mal de reconnaissance dans la société et mentalement perturbés, ils finissent par se convaincre qu’ils sont réellement le fils de Louis XVI et Marie-Antoinette…

   Au final, ce nouvel ouvrage consacré à Louis XVII offre une analyse juste et percutante pour une lecture facile et agréable, dans un style direct qui se passe de fioriture. Je recommande !

 

∫∫  Ce qu’il faut retenir ! ∫∫

Procurez-vous Louis XVII, de Hélène Becquet !

Points positifs

♥ Une relecture originale et sérieuse de la vie tragique, courte et condensée du malheureux Louis-Charles de Bourbon.

♥ Des anecdotes peu connues sur la vie à Versailles du petit prince.

♥ Une volonté de coller au plus près de la réalité de la vie de la famille royale et du Dauphin dès leur installation aux Tuileries, puis lors de leur incarcération au Temple.

♥ Une analyse passionnante sur l’instrumentalisation politique de l’enfant après sa mort.

Points négatifs

♠ Les amateurs d’histoire romancée en seront pour leurs frais. Mais est-ce vraiment un point faible ?

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