Je vous livre in extenso, l'article de Maurice Vandeweyer ci-dessous ...
Surprise au Malgré-Tout: un voisin annonce, en visitant l'expo sur l'île de Pâques, qu'il était avec le Mercator en 1934 pour embarquer les pièces exposées !
En 1934, Joseph Droeven n'a pas encore 16 ans quand il embarque comme élève marin sur le Mercator, bateau école de la marine belge. Celui-ci part pour une expédition à l'île de Pâques. Il doit ramener des statues (moaï > invariable au pluriel) et diverses traces des civilisations locales en Belgique. Nous avons rencontré ce voisin du musée du Malgré-Tout, témoin direct de ce qui est évoqué dans l'exposition actuelle consacrée à la civilisation pascuane. Il se souvient, il raconte, il cite et parle de tous les grands hommes qu'il a croisés.
- Vous habitez Treignes depuis quelques années et personne ne savait votre parcours extraordinaire. Là, vous sortez de l'ombre. Pourquoi ?
- Quand j'ai su que l'on exposait des objets venus de l'île de Pâques, j'ai voulu voir si c'était ceux que j'étais allé chercher avec mes compagnons. Même les yeux bandés, rien qu'au toucher, je les reconnaîtrais. Une vraie expédition !
- On imagine que déplacer ces géants (les moaï) n'était pas une sinécure.
- Effectivement ! Mais, après les avoir trainés sur le sol (nous en avons ramené deux et un chapeau), il fallait les transporter sur le bateau avec des barques. Celles-ci n'auraient pas été assez solides. Aussi, les avons-nous attachés avec des cordes et des filins sous les canots. Ceci facilitait le transport. Une statue s'est détachée mais des plongeurs du pays, de fameux nageurs, ont vite réglé le problème !
- D'où vous vient cette vocation de marin ?
- Mon instituteur avait été en Indochine . En 1930, c'était un véritable exploit. Les jours de pluie, il faisait rêver les enfants que nous étions. Quand il nous a demandé, comme c'était la coutume à l'époque, ce que nous voulions faire plus tard, je lui ai répondu que je voulais aller en Chine. La marine était une des solutions. Puis, c'est devenu une passion. Sur trente-deux années de navigation, j'ai passé 20,50 années sur mer. C'est vous dire !
- Facile de devenir marin ?
- Pas évident, quand on sait le prix des études ! Il fallait payer un minerval de 310 francs par mois, alors qu'à peine diplômé, on gagnait moins. Je dois remercier le notaire Nols et le bourgmestre Meurens, qui m'ont avancé l'argent en pariant sur ma réussite. Par la suite, ils m'ont fait cadeau du montant restant à rembourser. de grands messieurs !
- On imagine que vous avez dû faire énormément de rencontres.
- J'ai eu la chance de rencontrer de grandes personnalités comme Henri Lavachery, forcément, puisqu'il était sur le Mercator, mais aussi Alain Gerbault, un grand navigateur celui-là. C'est mon plus beau souvenir et c'est l'homme qui m'a le plus impressionné. Quand je pense que la France ne le reconnaît pas à sa juste valeur parce qu'il a osé un jour, dénoncer ses pratiques peu humaines avec les prisonniers de droit communs en Guyanne, par exemple ...
- Des regrets ?
- Je ne donnerais pas ma vie à un autre, pour tout l'or du monde. Je suis très riche ! Pas en billets de banque mais en relations humaines, en souvenirs et en découvertes effectuées dans le monde entier.
- L'exposition du musée, votre avis ?
- Une réussite ! A voir !