La nouvelle ministre du Travail ne dira rien des chiffres du chômage. Silence dans les rangs. Moins on parle, mieux on se porte. Les quelque six millions de chômeurs répertoriés dans toutes les catégories apprécieront. Sans parler des quatre millions d’«invisibles», radiés et autres laissés à l’abandon, qui n’entrent pas ou plus dans les données officielles...
C’est bien connu: les coups de com ne servent qu’à détourner l’attention. Comment interpréter autrement la décision de la nouvelle ministre du Travail, Muriel Pénicaud, de ne plus commenter chaque mois les chiffres du chômage? Au trompe-l’œil des statistiques qui viennent d’être données pour avril – quel crédit accorder à la baisse en demi-teinte annoncée par Pôle emploi pour la seule catégorie A? – s’en ajoute donc un autre, imposé par le chef de l’État en personne. Silence dans les rangs. Moins on parle, mieux on se porte. Les quelque six millions de chômeurs répertoriés dans toutes les catégories apprécieront. Sans parler des quatre millions d’«invisibles», radiés et autres laissés à l’abandon, qui n’entrent pas ou plus dans les données officielles. C’est vrai, quoi, qu’y a-t-il à dire de dix millions de sans-emploi en France, dont l’essentiel viennent grossir les rangs des neuf millions de pauvres recensés…
Et pendant ce temps-là? Tandis que le flicage et la chasse aux chômeurs et aux allocataires du RSA s’intensifient partout sur le territoire, en particulier dans les départements gérés par la droite, certains responsables d’antennes de Pôle emploi deviennent fous, au point de ne plus rien respecter, pas même la dignité de ceux qui n’ont plus rien. Ainsi l’agence de Margny-lès-Compiègne, dans l’Oise, a-t-elle publié récemment sur sa page Facebook (retirée depuis) un tableau intitulé «Journée type d’un demandeur d’emploi efficace». Du café que l’on boit le matin pour «profiter de la lumière du jour, antidépresseur naturel», à la douche où l’on doit «réfléchir à nos objectifs», en passant par la recherche de «petits boulots qui nous permettent de gagner de l’argent», tout y passe pour transformer les victimes du fameux «marché du travail» en coupables de leur situation. Quand l’infantilisme voisine avec l’abject, les mots nous manquent! Le gouvernement n’est pas responsable de ce «dérapage», comme disent certains. Mais n’oublions pas la feuille de route de l’exécutif. Moins d’indemnisation des chômeurs ; réduction de la durée des droits ; le tout adossé à un modèle coercitif absolu, à la mode anglo-saxonne, avec son lot de suspensions systématiques et de séances d’humiliation. Là, on ne parle plus de com devant les chômeurs. Juste de la vraie vie.[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 26 mai 2017.]