(Note de lecture), Marcia Marques Rambourg : "Que.La.Peau.Tienne", par Pascal Boulanger

Par Florence Trocmé

Pourquoi  suis-je si sensible aux voix ? Parce qu’elles indiquent la voie mais surtout par ce qu’elles ne s’approchent pas en concept, elles se gravent dans la chair de la parole. Les voix de ce livret reviennent de loin – de l’axe des mains  qui écrivent – elles suivent la marche, elles sont en marche, dans la marge d’un monde qui enfante un gouffre, avec ses lignes de mélancolie, de chutes, de lumières noires. La nomination se fait silence, comme s’il fallait absolument qu’entre un et deux, entre la succession des mots et des sensations de cet unique et long poème, le rien intervienne et entre en scène.
Comment une femme vit-elle la traversée de son propre corps ? Sur toutes les lignes, sur la ligne-mère, sur la mer du désir, dans la peau du monde, dans la générosité obstinée de l’Eros pur et bon. Le poème n’a pas d’âge ou plutôt il navigue d’âge en âge, il s’adresse et il se transmet comme jadis, quand les mères offraient à leurs filles un miroir. Le miroir aux mains des femmes souligne la délicatesse de la page. Ce livret dessine un corps double et un corps à corps avec le réel, avec le charnel des choses, avec l’origine et aussi le mouvement.
Ce fleuve qui passe qui serpente qui dessine le corps & qui voit le passant
peut-être même l’arbre qui reste inerte des siècles durant
peut-être même ô amour aimé ces larmes asséchées, loin
peut-être même ce qui tient de cette essence domptée : la présence & le silence de ma marche
peut-être même ce dialogue sourd.
Il fallait aussi l’œuvre lyrique de Christine Coste pour faire de ce livret un objet rare, précieux et subtil.
Pascal Boulanger


Marcia Marques Rambourg : Que.La.Peau.Tienne, Vu par Christine Coste, A/Over.
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