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Traces, de Serge Heughebaert

Publié le 21 mai 2017 par Francisrichard @francisrichard
Traces, de Serge Heughebaert

Le temps efface les souvenirs, érode le désir, mais laisse des traces. Des cicatrices.

Ce sont à ces Traces, cicatrices laissées par le temps à des femmes de trois générations, que Serge Heughebaert s'intéresse dans ce livre, qui fait voyager en Suisse, à Cuba, en Espagne, en Autriche et en France, et où la danse est l'art que d'aucunes se transmettent. 

Josy - Jézabel est vraiment son nom ! - est la quatrième de sept filles: Son père avait voulu un garçon avant de se résigner aux suivantes. Celui-ci, Joseph, est austère, autoritaire; il ne plaisante pas avec le monde, c'est-à-dire avec le péché, la géhenne.

Ruth vient de Berlin. Elle est réfugiée chez eux et se réfugie souvent dans la lecture. Les parents disent que le Seigneur la leur a confiée. Après un temps de silence entre elles, Ruth et Josy sympathisent, grâce à la danse, à laquelle Ruth initie Josy.

C'est alors qu'elles dansent toutes deux près d'une fontaine qu'une Buick approche: Hitchcock, son photographe Peter, en descendent; Madeleine Caroll et Robert Young, eux, se bécotent sur la banquette arrière. Tous quatre sont venus là pour tourner un film.

Ruth et Josy arrivent en retard pour le souper familial. Ruth monte dans sa chambre. Josy tient tête à son père. Il la met dehors. Le danger que pressent une Ruth aiguisée par le malheur se produit; plus tard, elle retrouve Josy en pleurs, la robe déchirée, tachée de sang:

Elle s'était débattue à l'arrière de la Buick. Une main étouffait sa bouche. Un corps l'écrasait. Elle l'avait griffé. Elle l'avait giflé. Rien n'y avait fait.

Josy est enceinte, ce qui n'émeut pas plus que cela son père. Joseph la traite toujours comme le garçon qui lui a manqué à la ferme: Il lui donne des corvées plus lourdes pour expier sa faute. Un soir d'orage, il exige qu'elle aille nettoyer les boilles à la fontaine.

Josy y jette les boilles, s'enfuit et est recueilli par Hans Ehrensperger, qui tient auberge au village. Il la fait passer pour sa servante et, quand est venu le moment d'accoucher, il l'emmène à l'hôpital cantonal à Berne où elle donne naissance à Wilfrid Gasser.

Wilfrid Gasser est devenu obstétricien. Susana, son infirmière, voit qu'il est éreinté. Lors d'une opération, en effet, le drame a été évité de justesse: il devrait faire un break. Il part à Cuba, dont Susana est originaire et où il fait la connaissance de sa soeur, Mayjor. 

Les deux soeurs ont un seul vrai point commun: elles ont un enfant. Susana a un fils dont elle s'occupe, Ruedi; Mayjor une fille, Elaine, qu'elle a confiée à leur oncle Gideon. Susana est rangée, Mayjor, danseuse de salsa... Wilfrid est séduit par Mayjor...

A son retour Susana trouve que Wilfrid a changé, en mieux. Ils pourraient se rapprocher l'un de l'autre, mais Susana apprend à Wilfrid que Mayjor est maintenant danseuse à Barcelone... et Wilfrid part la chercher. Mayjor le suit en Suisse. Ils se marient.

Les deux se rendent alors à Cuba pour emmener Elaine qui ne veut pas venir avec eux. Mais elle n'a pas vraiment le choix et c'est finalement avec Josy qu'elle s'entendra le mieux: Elles ne sont pas de la même race, mais elles sont de la même espèce. Sauvage.

C'est par Josy, qui tient à elle, qu'Elaine va faire la connaissance de Ruth et de la danse, qui est la seule vraie passion de sa mère Mayjor. Car, même si elle a épousé Wilfrid et qu'il lui a toujours voulu du bien, elle ne pourra que se dire qu'il ne fait pas l'affaire...

Dans ce roman pénétrant, les êtres sont bringuebalés comme dans la vraie vie. Certes ils s'en sortent toujours, mais pas vraiment indemnes. L'amour filial y est, par exemple, supplanté par l'amour adoptif: on choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille...

Quant à l'amour proprement dit, l'auteur semble reprendre quelque peu à son compte ce qu'en dit avec ironie Jacques Lacan (qui ne fait pas toujours preuve d'une telle légèreté, loin s'en faut) et que cite avec malice l'ami Morand à son ami Gasser:

Aimer, c'est vouloir donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas !

Francis Richard

Traces, Serge Heughebaert, 304 pages L'Âge d'Homme


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