Il y a quelque temps déjà, un article des Inrocks avait été le support d'un de mes billets.
L'article en question était signé par Olivier Joyard et traitait de vin.
Enfin, de vin ... il faisait l'éloge du Vinobusiness d'I. Saporta dont j'ai déjà dit par ailleurs tout le mal que j'en pensais (le docu, pas son auteur).
Fatalement, il faisait cet éloge à grand renfort de tout ce que j'aime, genre : les "gestes artisanaux et anciens de la biodynamie".
Soupir ...
Ben là, rebelote avec le dernier opus d'Alice Feiring.
Florilège :
"Au début des années 2010, parler de vin naturel comme d’une manière nouvelle d’appréhender le goût de nos repas et de nos soirées arrosées suscitait les moqueries condescendantes des gardiens du temple et des amateurs de la barre au front le lendemain matin."Ben ouais, c'est bien connu : les vins "naturels" ne font pas mal à la tronche. Jamais.
Et si tu t'enivres c'est sans jamais devenir saoul, dixit Amunategui et Nossiter, les Heckel et Jeckel de la révolution pinardière (sans mal de tronche du lendemain).Par contre les méchants Bordeaux de la mort qui tue çà fait très très mal à la tronche (vous impatientez pas : çà va plus tarder).
Ainsi, nous apprenons que :
"Journaliste à la plume acérée, proche d’une tradition américaine du récit ultra documenté, la new-yorkaise se bat pour que soient prises aux sérieux les bouteilles plus punks que les autres, les goûts bizarres et les expressions singulières de vigneron.ne.s engagé.e.s.""Ultra documenté" ?
La suite de l'article s'annonce donc sous les meilleurs auspices !
Oui, malgré ceci :
"la new-yorkaise se bat pour que soient prises aux sérieux les bouteilles plus punks que les autres, les goûts bizarres et les expressions singulières de vigneron.ne.s engagé.e.s."Prendre au sérieux les goûts bizarres ?
Comme le disait un ami, sérieux dégustateur, un soir de picole à une buveuse qui chantait les mérites d'un vin fleurant bon la Brett : "t'as le droit d'aimer la merde".
En outre cette bien pensance, ce politiquement correct de l'écrit qui nous inflige de façon bien lourdingue un vigneron.ne.s en réinventant les règles du français, je ne sais trop si c'est seulement ridicule ou si c'est, en plus, franchement casse couilles.
Bref, ensuite vient :
"Cela date du début des années 2000."Et là ("détesté", "instinctivement sélectionné", ...) il devient évident qu'on veut faire dans la nuance ...
.../...
"Et j’ai détesté la majorité de ce que j’ai goûté."
.../...
"Je me suis rendu compte que mon palais sélectionnait d’instinct le vin naturel, sans savoir que c’en était. D’ailleurs, il n’y avait pas de nom pour ça à l’époque."
Pourtant :
"Mais je me défendais avec des arguments"Ah ben c'est dommage d'avoir arrêté d'argumenter et, aujourd'hui, de se contenter de dire qu'au début des années 2000 il y eut des arguments.
Un peu la flemme de chercher les arguments de 2000, là ...
Puis :
"Dans le bordelais aussi, mes interventions n’ont pas été très appréciées. Même si j’ai eu une influence assez importante, je m’exprimais en majorité sur mon blog. Des remarques sexistes ont été faites"Des remarques sexistes ont été faites ?
Diantre.
Bon, on sera d'accord que faire des "remarques sexistes" n'est pas ce qui se fait de mieux en matière de contre argumentation, c'est même plutôt naze.
Il n'en reste pas moins que, franchement, on s'en bat les couilles qu'il y ait eu des remarques sexistes en 2000 !
Ça amène quoi ... à part cette délicieuse - et indispensable - note de victimisation, bien sur !?
Y a pas mieux pour légitimer le discours que de jouer ainsi les Jeanne d'Arc ?
Bon, on retiendra donc que le bordelais trafique les vins pour le standardiser et qu'en plus il est sexiste.
Il parait même que le vase de Soissons a, en fait, été brisé à Bordeaux, et que le Titanic a coulé dans le bassin d'Arcachon (ou qu'il s'est éventré sur le ban d'Arguin, va savoir ...).
C'est dire si le bordelais est méprisable (m'en fous : je suis né à Carcassonne et j'ai eu mon diplôme d’œnologue à Toulouse).
Vient enfin la question cruciale, celle dont les Heckel et Jeckel évoqués plus haut ont fait leur fonds de commerce :
"Le vin naturel est-il politique ?"La réponse d'Alice Feiring est magique :
"C’est une question de savoir si le vin naturel est de gauche. Il y a une forme de radicalité dans son approche et ses racines. Certains vont très loin, trop loin peut-être. Mais d’une manière générale, parmi ceux qui aiment ce type de vin, on trouve des personnes qui incarnent la liberté d’une manière très belle. Leur sensibilité penche vers la gauche et c’est assez fascinant. Je ne connais personne avec des opinions politiques progressistes qui aime le vin de Bordeaux ultra manipulé chimiquement."Voilà, c'est le mot que je cherchais : fascinant.
Fascinant de connerie.
Résumons : les amateurs de vins de Bordeaux sont donc de vieux réacs sexistes qui se shootent à la chimie lourde.
En revanche les buveurs de vin "nature" sont des êtres sensibles (car de gauche) et progressistes, qui incarnent la liberté de la plus belle des façons.
De toute évidence il s'agit, pour commencer, de leur liberté de débiter une incroyable quantité de conneries à la minute.
Car tout ceci est d'une bêtise abyssale.
Aussi me dispenserai je de commenter la suite de cette compilation absurde.
"La nature apprend à l'homme à nager lorsqu'elle fait couler son bateau."
Un point sur la carte - Sait Faik Abasiyanik