Je veux écrire sur la vie
La vie dans les poumons d’un petit oiseau qui essaie d’entrer par le volet entrouvert et se cogne la tête contre le bois
La vie dans les ailes d’un papillon translucide qui s’approche de la lueur en imaginant que là réside la paix et qui se brûle le bout de l’aile gauche
La vie dans la lenteur d’une fourmi qui marche sur le bord du mur et qui rêve d’un grain de sucre qu’elle trouvera quelque part
Je veux écrire sur la vie
Lorsque je sens, telle une louve prudente, l’odeur de ta peau quand tu m’appelles
Lorsque l’indolence délicieuse grimpe dans mon corps quand j’entends ta voix ou lorsque je célèbre seule tout cet amour dont personne n’est au courant à part moi
Je veux écrire sur la vie
Sur ceux qui déploient leurs rêves et ne s’aperçoivent pas comment leurs dos se courbent quand ils les débarrassent de leurs cailloux et de leur terre
Sur ceux qui portent leurs maisons sur les épaules et s’y abritent à chaque fois que la faux de la mort passe en creusant le chemin autour d’eux
Sur ceux qui scellent l’aigreur de la défaite par le sarcasme comme s’ils dessinaient des yeux ouverts sur les murs de l’Histoire
Je veux écrire sur la vie
Moi dont la vie à rongé les doigts de la main droite comme une souris ronge un jouet en plastique.
Je l’ai regardée faire sans m’en soucier et je lui ai tendu les doigts de gauche sans aucun regret
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Rasha Omran (1964, Tartous, Syrie) – Habiter cette maison (Alidades, 2017) – Traduction : Hala Omran et Wissam Arbache