Ce petit-fils de docker du Havre, arrière-petit-fils du premier communiste encarté de la ville, a longtemps évolué dans un milieu familial de gauche. De quoi brouiller les pistes. Et le perdre un peu dans sa généalogie évolutive. Enfin: rapidement évolutive tout de même. À Sciences-Po, une carte du PS brièvement en poche, il fréquenta le club Opinion, qui réunissait les rocardiens en tant que penseurs d’une social-démocratie « de sens », selon sa propre expression. Ce que confirme son compagnon d’études et ami de toujours, le député PS frondeur Jérôme Guedj, cité par le Monde: «Il a toujours été libéral et dérégulateur sur les questions économiques.» Ce dernier raconte par ailleurs que, pour préparer le concours d’admission à l’ENA, les deux étudiants squattaient le bureau de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée, Jérôme Guedj étant alors son attaché parlementaire…
Droite. Les Havrais, qui l’ont élu sur son nom en 2014 avec 52% dès le premier tour, notent au crédit d’Édouard Philippe qu’il est boxeur à ses heures, fan de Bruce Springsteen, de séries télé populaires, et même romancier occasionnel… Auteur d’un thriller politique complètement déjanté coécrit avec Gilles Boyer, Dans l’ombre (2011), il joue ainsi de cette image subversive plutôt branchée pour jouir au mieux de la solitude du pouvoir. La fiction ne fait pas tout. Antisarkozyste de la première heure, certes. Modéré sur les sujets sociétaux, d’accord. Mais néanmoins de droite. Vous savez, cette droite à l’aise et ouverte, rassurante par ses nuances. Une anguille insaisissable en somme. Ce qui le rapproche de l’idéologie – et de la tactique politique – de Mac Macron. Un autre point les rassemblera jusqu’au bout : l’économie libérale. Autant dire l’essentiel, quand tout commence et que tout finit, et inversement. Édouard Philippe a remonté la Seine pour gagner Paris sur un malentendu. Comme l’affirment les Havrais, «le voyage sera plus simple vers l’aval», quand il la redescendra un jour…
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 19 mai 2017.]