Car c’est un Jupitérien auto-proclamé qui désormais y réside, voyez-vous. Il se définit lui même comme le « Maître des horloges », tels César ou Caligula qui prétendaient remodeler le calendrier à leur guise. On sait comment ils finirent l’un et l’autre. Touche au temps et le temps se venge. Envisage-t-il, planqué dans ses nuages et se donnant des airs de mystère, de foudroyer de ci de là ceux qui lui déplairont ?
Trois mots d’abord sur la naissance de l’être surnaturel auquel nous avons à faire. Un jeune ambitieux émoulu de l’Inspection des finances a croisé, il y a une dizaine d’années, les chemins de Jacques Attali, de Jean-Pierre Jouyet et d’Alain Minc. Il partit quelque temps faire beau sou dans la banque mais gardait en tête l’objectif politique. Il se retrouva par la grâce de ses réseaux à l’Elysée puis à Bercy où il réalisa que son chef, l’ex Mou-Président, risquait fort de ne pouvoir se représenter, détesté qu’il était par la divine opinion et concurrencé par Valls, son Premier ministre.
Reconnaissons à Bébé Jupiter qu’il eut de l’audace et de la chance, les deux combustibles qu’on mélange dans le moteur du succès.
Enfin … il eut surtout le soutien des patrons de presse, convaincus de tenir un produit de grande consommation. Plus de cinquante « unes » de journaux et magazines lui furent consacrées alors qu’il n’était encore qu’un banal ministre démissionnaire nourrissant une folle ambition. Cette complaisance extravagante le fit inviter lors d’un débat télévisé à cinq dont furent pourtant exclus des élus, chefs de partis bien établis et autres représentants de courants bien identifiés. D’où tenait-il cette onction ? De résultats de sondages dont on sait pourtant à quel point ils étaient manipulables à ce stade de la compétition.
Il bénéficia ensuite de l’incapacité des Républicains à débarquer Fillon quand les tripatouillages de ce dernier furent opportunément révélés au public et poursuivis en procédure accélérée par le Parquet national financier. Il ramassa aussi partie des débris de Hamon, systématiquement démoli par les médias après avoir été lancé par eux. Enfin, ne lui restait qu’à occire une Le Pen au sommet de sa rediabolisation lors d’un débat dont on savait d’avance qu’il en serait déclaré vainqueur.
Il doit désormais s’assurer d’une majorité à l’Assemblée.
Son atout principal demeure la complaisance quasi-convulsive des journalistes de télévision ou de radio et de la grande majorité de leurs collègues de la presse écrite. Quand on observe l’inflexion du Parisien depuis son achat par Bernard Arnault, on se demande si cet investissement n’était pas avant tout et en amont la mise en place d’un outil jupitérien. Macron reste un enfant-bulle, beaucoup plus populaire à la télévision que dans les rues, comme en témoignent des foules clairsemées lors de son intronisation. Une aura de pixels nimbe son crâne.
Son opération de débauchage à droite n’est d’ailleurs pas gagnée. La nomination d’un énarque hautain, Edouard Philippe, parfait reflet de son nouveau patron, a été plus douloureuse que prévu. Il est fort possible que ce dernier cherche à doubler son chef et jouer son propre jeu, tant ils se ressemblent. On prend vite la grosse tête quand on est né de la cuisse de Jupiter.
Quand on est vicieux et pervers, comme Mitterrand, Chirac ou Hollande, mieux vaut en réalité choisir au départ un bonhomme patelin et rond tels Mauroy, Raffarin ou Ayrault qu’un second Rastignac inquiétant. Ce double-emploi n’est pas gage de grands rendements électoraux.
Il y a peut-être aussi une véritable erreur tactique dans tout cela : comment dissuader les électeurs de droite de voter de nouveau LR puisque le Jupitérien a admis qu’il pouvait gouverner avec eux ?
Malgré les roucoulements énamourés du Monde, de Libé et de l’Obs, au bord de l’orgasme journalistico-politique, la partie n’est pas encore gagnée pour le Wonderboy de l’oligarchie. Mais le Jupitérien est peut-être un Mercure au double visage, tenté contradictoirement par la dureté d’un gouvernement de combat et par la douce mollesse d’une cohabitation qui transformerait illico son mandat en sinécure sur les Champs-Elysées ?
La première étape de sa course céleste l’a mené en tout cas à Berlin, où vit notre créancier de dernier ressort, Angela, la Walkyrie des industries rhénanes. Car ne perdons pas de vue les fondamentaux du macronisme. Ses promesses électorales sont ténues et anecdotiques au regard de l’immensité des problèmes de la France. Une hausse de la CSG ou une diète très douce imposée à la bureaucratie ne feront pas l’affaire. Macron est exactement comme Hollande : il va chercher à gagner du temps en convainquant Merkel et Draghi de continuer à racheter de la dette française afin d’éviter que nos taux d’intérêt remontent, ce qui rendrait la crise budgétaire aigüe de nouveau.
Il espère que l’alignement des planètes se poursuivra, Jupiter bien dans l’axe, et il se contentera de ponctionner les retraités et les propriétaires immobiliers comme Hollande pressura naguère les cadres supérieurs chefs de familles nombreuses. Bien fait pour les séniors, ils n’avaient qu’à pas voter pour lui ! Mais Macron est la caricature du jeune propre sur lui dont raffolent les vieux : la tentation pédophilo-politique était trop forte pour qu’ils y résistent.
Et c’est ainsi qu’une camarilla d’énarques adoubés par la presse a entrepris, depuis Jupiter, de coloniser la France. S’il fallait chercher un précédent historique, on le trouverait dans les premiers temps de Giscard en 1974. La grosse difficulté est que notre dette ne permettra pas à Jupiter de jouer très longtemps du pipeau et de l’accordéon.
De manière plus trouble et inquiétante, les ramifications macroniennes remontent aussi à la Synarchie, ce groupe à moitié fantasmé qui prétendit, à la faveur du régime de Vichy, régénérer la France en enterrant les vieux partis et en la faisant gouverner par des technocrates tellement plus compétents que tous ces politiciens croulants.
Déjà, tout cela n’était qu’illusion car la vérité du pouvoir n’était pas au-delà des Pyrénées mais au-delà de la ligne bleue des Vosges …