Titre : S’enfuir
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Septembre 2016
Après ses récits de voyage, auréolé d’un prix à Angoulême pour le dernier, Guy Delisle avait la délicate mission de parvenir à continuer son chemin différemment, au risque de moins plaire. Après des livres léger (et dispensables) sur son rôle de père, le voilà qui revient à l’humanitaire (et à moindre mesure au voyage) avec « S’enfuir », qui raconte le récit de Christophe André, enlevé dans le Caucase en 1997.
La lassitude de l’otage prend le lecteur
Nouveauté chez Guy Delisle : aucune once d’humour ne parsème le livre. L’auteur opte pour un ton factuel pour ce récit d’otage. Pas de mise en situation non plus. On commence dès l’enlèvement, on finit à la libération. On ne connaît pas grand-chose de Christophe. C’est un peu dommage de n’avoir pas développé un peu plus son parcours, car le personnage ressemble à un être lambda. Finalement, ça pourrait être n’importe qui. C’est peut-être voulu par Delisle, mais ça manque d’empathie.
Le récit est évidemment glaçant et prenant de par la situation. Christophe est menotté à un radiateur pendant des mois dans une pièce vide doté d’un unique matelas. On ressent sa souffrance (toute intérieur) et le quotidien rythmé par les repas et les pauses pipi. On ne va pas se mentir, la lassitude s’installe vite. Il faudra qu’il s’enfuie pour que l’intérêt revienne.
À la lecture, on se demande si la bande dessinée était le meilleur médium pour traiter cette histoire. Le lieu est vide, unique. Il n’y a presque pas de paroles échangées ou de mouvements… Le pavé est énorme, mais pouvait-il en être autrement ? Au final, on ressent bien l’ennui comme l’otage que nous suivons.
Au niveau du dessin, Guy Delisle développe son style simple et efficace. Vu le dépouillement des lieux, on le sent à l’aise ! La colorisation en bichromie, froide, est adapté à l’ouvrage. Par contre, en représentant son personnage majoritairement sans que l’on voie ses yeux est peut-être une erreur. Christophe, malgré la narration, est passif mais paraît aussi indifférent.
« S’enfuir » ne m’a pas beaucoup passionné. Lorsqu’il est dans l’action, au début et à la fin, l’ouvrage se lit avec tension. Puis, la lassitude s’installe pendant une bonne partie du livre. Il ne se passe rien, aucune péripétie. On peut être admiratif de la prise de risque de Delisle de traiter un sujet si difficile, mais la réussite n’est pas forcément au rendez-vous. Reste le suspense de la fuite qui tient mine de rien le lecteur en haleine.