Très beau numéro de LA CROIX sous le thème généreux de REPARER LA FRANCE et avec le bel éditorial introductif de Monsieur GUILLAUME GOUBERT nouveau Directeur du journal catholique.
La France, combien de divisions ? Politiquement, elle apparaît fractionnée en quatre morceaux de taille à peu près égale, si l’on en juge par les scores de Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle. Il pourrait ne s’agir que de rivalités entre des personnes. Mais la simple observation de la vie sociale suffit pour mesurer combien leurs électorats sont inconciliables. Les colères qui n’ont pas cessé de s’exprimer et les états d’âme de nombreux électeurs entre les deux tours l’ont amplement démontré.
Les lignes de fracture de la société française s’observent aussi dans la cartographie du scrutin. Emmanuel Macron est l’élu des grandes villes où les possibilités d’emploi, d’échanges et de mobilité sociale sont fortes. Le vote protestataire se concentre dans les lieux où l’on se sent laissé de côté, oublié, abandonné : le monde rural, les périphéries urbaines, les zones désindustrialisées…
Il ne faut cependant pas observer les inquiétudes françaises avec le seul prisme socio-économique. Le chômage, les écarts de richesse et les inégalités territoriales ne suffisent pas à tout expliquer. D’autres pays font beaucoup mieux que la France en la matière – les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège – et pourtant le vote populiste y est très fort. Il faut donc prendre aussi en compte ce que des sociologues appellent « l’insécurisation culturelle ». C’est-à-dire l’inquiétude que suscite la venue de personnes originaires de l’autre rive de la Méditerranée avec, pour corollaire, une visibilité croissante de l’islam. Sources d’une appréhension forte, notamment parmi les catholiques.
Comment combler les fossés, créer des passerelles, apaiser les tensions, nouer des dialogues ? Comment mettre en commun nos accords et nos désaccords afin de construire une société capable d’assumer sa diversité ? Les regards, bien sûr, se tournent aujourd’hui d’abord vers celui auquel les Français viennent de confier les plus hautes responsabilités. Emmanuel Macron assume cette attente, lui qui, de manière étonnante, concluait ainsi son allocution dimanche soir sur l’esplanade du Louvre : « Je veux l’unité de notre peuple et de notre pays. Je vous servirai avec amour. » L’intention est louable mais elle souffrira, forcément, de la dure réalité du monde.
Au surplus, le chef de l’État ne saurait à lui seul faire l’unité du pays ni répondre à l’infinie diversité des besoins. Le président de la République est, en dernier ressort, le garant de la vie commune. Il peut, il doit susciter et encourager des projets au service de la cohésion sociale. Mais rien ne sera possible si la mobilisation ne se diffuse pas à tous les échelons de responsabilité, y compris celui des simples citoyens. Chaque individu est dépositaire d’une fraction de l’intérêt général. Et cela commence par de petites choses. Par exemple, se parler avec respect.
En réalité, la mobilisation existe déjà et depuis longtemps. Sans les solidarités familiales et amicales, sans le réseau associatif, sans l’étonnante créativité de nombreux acteurs sociaux, sans la conscience professionnelle qui est à l’œuvre dans les entreprises et les administrations, la société française se serait effondrée depuis longtemps. On peut même avec confiance affirmer ceci : il n’y a pas de problème national apparemment insoluble qui n’ait déjà trouvé de solutions à l’échelle locale.
Cette conviction, notre journal la fonde sur de nombreuses années d’observation d’initiatives à travers toute la France et dont nous n’avons cessé de rendre compte. Aujourd’hui, dans ce moment particulier de notre histoire, nourri d’anxiété autant que d’espérance, nous avons voulu avec ce numéro spécial donner, une fois encore, de la visibilité et de la voix à ceux qui sont engagés dans le pacifique combat pour réparer la France.