Une entreprise japonaise a répondu à sa manière à la baisse de la production de caviar dans la mer Caspienne, en fabriquant une imitation des oeufs d'esturgeon vendue bon marché.
Un liquide gris et gluant glisse dans des tubes avant de s'écouler doucement d'un bec, formant de petites billes ressemblant à du caviar. Nous sommes à Hokuyu Foods, un atelier situé dans la préfecture septentrionale d'Aomori, près du détroit où mer du Japon et Océan Pacifique se rencontrent.
Cette imitation de caviar noir, appelée "Cavianne", est un mélange d'une multitude d'ingrédients: encre de seiche, pépins de pomme, extraits d'oursins, d'huîtres et de coquilles Saint-Jacques, sans oublier une substance agglomérante tirée d'une algue.
Son inventeur, Susumu Mikami, un ancien pâtissier, explique avoir mis deux ans avant d'arriver à la formule exacte pour obtenir ces billes de même taille et d'un goût faisant penser, affirme-t-il, au fameux caviar Beluga.
"Le caviar de la mer Caspienne a un goût merveilleux", se souvient M. Mikami, 75 ans.
Le caviar le plus cher est constitué d'oeufs de belugas, des esturgeons vivant dans la mer Caspienne. Mais la population de ces poissons a fortement chuté, du fait d'une pêche excessive.
La Russie, dont la frontière borde la mer Caspienne comme l'Iran et plusieurs républiques ex-soviétiques, a proposé cette année un moratoire de cinq ans sur la pêche pour reconstituer la population d'esturgeons.
Au Japon, Hokuyu Foods est le seul fabricant de caviar artificiel. L'entreprise en produit quatre tonnes par an, soit l'équivalent du cinquième de la consommation annuelle de caviar dans l'archipel, selon M. Mikami.
Peu de Japonais connaissent la marque "Cavianne", achetée surtout par des restaurateurs et hôteliers qui en servent dans leurs établissements.
L'idée du "caviar artificiel" est venue à M. Mikami après une discussion avec un chercheur de la région, qui avait découvert que des graines de genêt trempées dans de l'encre de seiche prenaient l'apparence du caviar.
A l'époque, l'ancien pâtissier avait trouvé un mauvais goût à ces billes, trop petites en outre pour ressembler aux oeufs d'esturgeon. Mais il avait retenu le principe.
Aujourd'hui le Cavianne ressemble extérieurement au caviar, mais M. Mikami reconnaît que l'enveloppe des "oeufs" est encore trop dure et gluante pour sembler réelle.
Son produit est sept fois moins riche en calories que le caviar, mais il voudrait le rendre plus gras, avec un goût plus prononcé, pour pouvoir l'exporter.
"Il y a des gens qui refuse catégoriquement mon produit, des gourmets connaissant le vrai caviar. Ca, je peux le comprendre", admet M. Mikami.
Mais le fabricant ajoute que le précieux mets d'origine "est en train de disparaître" et que "des gens sont contents avec (son) produit".
"Je crois que nous pouvons coexister" entre vrai et faux caviars, conclut-il.
Une boîte de Cavianne de 50 grammes est vendue environ 1.000 yens (6 euros), cinquante fois moins que le caviar.
L'entrepreneur avoue être sur la corde raide financièrement, peinant à faire décoller son bénéfice. Mais il est plein d'espoir, rappelant le précédent du crabe d'imitation, aujourd'hui vendu partout dans le monde.
Miwa SUZUKI
AFP