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La scène se déroule le 3 mai 2017 au matin. Invité de la matinale de France Inter, le candidat Nicolas Dupont-Aignan, fort de son ralliement à la candidate du Front National Marine Le Pen, déclarait: "Ce qui est extraordinaire dans cette fin de campagne, c’est que le seul choix qui est offert par l’ensemble des médias français, d’une partialité incroyable, c’est monsieur Macron ou monsieur Macron. Et bien moi j’ai espoir que le peuple français évite cette campagne à charge insupportable pour le suffrage universel". Ce à quoi le présentateur Patrick Cohen répondait: "Vous êtes la preuve du contraire".
La preuve du contraire. Tout au long de cette campagne, les médias et autres organes de presse ont été conspués par différents candidats. François Fillon a dit avoir subi un acharnement médiatique suite aux nombreuses affaires judiciaires auxquels il devait répondre. Marine Le Pen dénonçait quant à elle "un système" visant à décrédibiliser sa candidature: les grands patrons de presse auraient été les complices de la campagne d’Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon, lui, a fait le choix de boycotter la matinale de France Inter.
Que ce soit dans des radios d’États comme France Inter et France Info, ou des radios de groupes privés comme Europe 1 ou RTL, il se trouve que les candidats ont été traités équitablement, en tout cas d’un point de vue journalistique. Toutes ces radios, peu importe leur statut, ont d’ailleurs été soumises à la stricte égalité des temps de parole pour le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Ce qui oblige chaque média à donner autant de temps de parole à un candidat par rapport à un autre. Le tout est recoupé dans un tableau récapitulatif puis vérifié pour être sûr qu’un média ne favorise pas un candidat sur la durée du temps de parole sur son antenne.
Dans cette égalité des temps de parole, il est arrivé que certains journalistes posent des questions délicates aux candidats sur d’éventuelles affaires judiciaires dans lesquelles ils étaient engagés. Dès lors, cela remet-il en cause l’impartialité des journalistes d’une radio d’État ou privée? Au contraire, ces questions prouvent l’indépendance de la presse face aux hommes politiques et le contre-pouvoir démocratique qu’elle exerce sur ces derniers. Les différents journalistes des quatre rédactions de radios évoquées ont donc pu poser à tour de rôle des questions légitimes aux 11 candidats sans préférence notable selon l’orientation politique de la radio qui existe bel et bien.
C’est ainsi que RTL, radio ancrée à droite, n’hésitait pas à demander des réponses à François Fillon sur son refus de répondre à une interview du journal Le Monde. "Ce ne sont pas les médias qui décident du tempo, des questions, qui décident de la campagne. Moi je réponds à qui j’ai envie de répondre", déclarait alors le candidat. Est-ce donc les journalistes des différentes radios qui se comportent différemment selon le candidat interviewé, ou les candidats qui se comportent différemment (en répondant ou non) selon le média qui les interroge et la manière dont ils le font?
Le travail journalistique d’une radio n’est donc pas remis en cause par son statut où son orientation politique historique. Comment font-elles alors pour fidéliser leurs auditeurs et se démarquer des autres radios présentes sur le marché? Les quatre radios citées font appel à des éditorialistes et autres humoristes pour affirmer leur ligne éditoriale en dehors de tout travail journalistique. En effet dans ce domaine, tous les candidats ne seront pas traités forcément de la même manière selon la radio.
Les billets d’humour sont souvent un marqueur éditorial pour une radio par rapport à une autre, notamment sur le rapport au parti d’extrême droite de Marine Le Pen. Ainsi, Nicolas Canteloup s’amuse régulièrement à parodier l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, lui reprochant implicitement d’être une radio ouverte aux électeurs frontistes. Ce même Nicolas Canteloup qui, il y a quelques semaines, faisait pleurer de rire Marine Le Pen lors d’une chronique: scène difficilement imaginable à France Inter face à une chronique de Sophia Aram, Nicole Ferroni ou Charline Vanhoenacker. D’où l’intérêt de comparer une chronique humoriste chez Europe 1 et France Inter face au Front National ou même d'autres candidats. "On perd 88% de l’électorat de droite pendant une chronique de Guillaume Meurice. Mais bon ça va, 88% de l’électorat de droite sur France Inter, ça fait 12 personnes", s’amusait Alex Vizorek à propos des chroniques très engagées de son collègue dans l’émission "Si tu écoutes j’annule tout" sur France Inter chaque jour à 17 heures.
Il y a en France une séparation assez stricte pour ce qui est du traitement des candidats à la présidentielle par des médias radiophoniques. D’une part, les candidats semblent être traités de même manière par l’ensemble des journalistes. Chacun doit répondre aux questions légitimes des différents journalistes de radios privées ou d’États. D’autre part, on remarque néanmoins qu’entre les radios, il existe différentes sensibilités politiques, que les radios tentent de préserver à travers des intervenants extérieurs au monde du journalisme. La force impartiale des journalistes accouplée à la force partiale des humoristes et autres chroniqueurs pour une radio française engagée et libre.