Emmanuel Macron promettait de changer la politique : reconnaissons-lui d’avoir, d’ores et déjà, réussi son pari. Il n’en est que marginalement responsable, mais il n’empêche que son arrivée dans la vie politique française joue le rôle d’un catalyseur bienvenu : comme le PCF en son temps, le PS est en train de se ringardiser à vitesse grand V.
Soyons fair-play : cette dissolution du PS dans ses propres acides est en grande partie l’oeuvre consummée de François Hollande qui aura, grâce à son art incroyablement toxique de la synthèse, réussi à faire croire à une survie du parti mitterrandien bien au-delà de sa réelle capacité. En réalité, le socialisme hollandesque, patchwork boiteux de crypto-marxistes et autres lambertistes honteux, de sociaux-démocrates et de centristes plus ou moins calculateurs n’a tenu que tant que tenaient les gamelles électorales.
L’arrivée de Macron à la présidence aura largement rebattu les cartes en siphonnant le centre, ce qui a dépeuplé le PS d’une partie de son aile la plus à droite (si tant est qu’on puisse parler de droite en France de nos jours). Les primaires socialistes ont achevé de réveiller les pires dissensions déjà largement attisées par les frondeurs pendant les cinq années de pénibleries hollandesques, pour aboutir au petit comédon de Benoît Hamon (« Monsieur Six Pour Cent ») et à une vaste récupération populiste de la part du batteleur Mélenchon pour les égarés qui restaient.
Au passage, on admirera la capacité d’adaptation de ce dernier qui ne recule devant aucun déménagement pour s’assurer une place dans la prochaine Assemblée : profitant des facilités offertes par le tourisme électoral, voilà notre homme qui se présentera à Marseille où les électeurs du cru pourront faire semblant d’élire un député local pendant qu’il fera semblant de les représenter.
Mais baste, passons les petites ambitions personnelles pour noter que la déroute socialiste est bien évidemment totale et tout le monde sent l’odeur du sang se répandre dans la prochaine Assemblée.
Cela n’a donc pas traîné : tout ce que le pays compte de barons socialistes commence à s’agiter pour tenter de trouver un point de chute alors que porter l’étiquette « PS » va s’avérer complètement invendable aux prochaines élections. En cela, tout se déroule comme prévu.
Ce qui ne nous empêchera pas de nous gondoler méchamment en voyant les petits gestes désespérés de plusieurs nageurs-couleurs dans le flot actuellement déchaîné de la politique française.
Difficile de réprimer un sourire devant l’humiliation gratinée qui est appliquée à Manuel Valls, mais force est de constater que le bougre a absolument tout fait pour qu’on la lui inflige : lâchant Hollande, puis Hamon, puis le Parti Socialiste, il était plus que temps que soit récompensée sa trop grande souplesse essentiellement due à une absence totale de colonne vertébrale. Monsieur Valls devra donc se trouver un petit canton douillet pour tenter de se faire réélire, mais je prédis (et espère) une fin tout à fait minable pour l’ex-premier ministre de la France sous état d’urgence.
Et tant qu’à se gondoler, autant laisser toute la panoplie des petits sentiments de panique se déployer dans les rangs socialistes pour obtenir le meilleur de la rigolade politique.
C’est ainsi qu’on apprend toute l’émotion de la petite Najat Vallaud-Belkacem qui va – espérons-le – devoir se trouver un vrai job, son actuel emploi fautif de Ministre de l’Edulcoration Nationale expirant avec un petit couic minable dans les jours qui viennent. Avec un peu de chance, Macron et son équipe choisiront prudemment de ne pas branquignoler à gros outils en ne repêchant surtout pas cette catastrophe industrielle majeure.
C’est ainsi qu’un triplet de grands-mères socialistes se sont rassemblées pour tenter de se la jouer à la Macron en créant un mouvement, bricolage soudainement à la mode depuis que le jeunot a réussi son pari : Hidalgo, Aubry, Taubira, secondées par l’inévitable nuage « d’intellectuels » vaporeux et engagés de gauche, viennent de lancer « Dès Demain », un « mouvement d’innovation » ouvert à « tous les humanistes qui croient encore en l’action ».
Avec une telle accroche, de telles marraines et un tel passif derrière lui, le mouvement – qui promet bien évidemment de réinventer l’action, l’humanisme, la citoyenneté et le festivisme xyloglotte turbopropulsé – aura tout pour plaire, à commencer par une épaisse couche de peinture pour camoufler les vieux relents de socialisme des années 60 que les porteuses de projet incarnent si délicieusement. La prudence conviendrait d’ailleurs, au vu des idées qui seront remuées dans cette chaloupe lancée en direction des naufragés du pédalo Hollandus, d’appeler plutôt ce mouvement « Depuis hier » tant on sent déjà qu’on sera en prise directe avec un passé sépia dont plus personne ne veut entendre parler.
Il reste l’épineuse question de l’insupportable Ségolène. Soyons optimistes : si Macron a réussi à couler la Marine, peut-être pourra-t-il en faire autant avec la Royal. Quoi qu’il arrive ensuite, le pays lui devrait une fière chandelle.
Du reste, notons que si Fillon l’avait emporté à la place de Macron, le tableau – au moins à gauche – aurait été sensiblement le même puisque le PS aurait été, là encore, en proie à la même peur panique devant des législatives qu’on s’imagine déjà rudes pour nos vieux briscards politiciens.
L’avantage indéniable de la victoire de Macron sur Fillon est bien évidemment que ce qui est en train de s’opérer sur le parti socialiste prend la même tournure au sein des Républicains, qui n’ont absolument pas compris le message des urnes : plutôt que consolider sur les 20% d’électeurs d’un Fillon – invendable sur le plan personnel – voilà nos candidats au renouvellement de leur poste de député en train de bricoler le programme déjà passablement cabossé du candidat présidentiel pour tenter, une énième fois, de dissoudre les rares traces de libéralisme et de mesures un tantinet couillues dans des barils entiers de sociale-démocratie redistributive, caline et parfaitement imbuvable. Ceci annonce très vraisemblablement une belle explosion de cette droite foutraque et aussi sociale-démocrate que le PS agonisant.
Le bilan est franchement réjouissant : la gauche, arc-boutée sur ses dogmes passéistes, est en train de mourir de ses contradictions, ses guerres de chapelles et son incapacité dramatique à répondre aux besoins de la population. La droite, cadencée sur la gauche depuis Mitterrand et sa cynique arnaque frontiste, suit le même chemin avec la même fébrilité. Dans quelques mois, on peut espérer un petit dépoussiérage de ces vieux partis d’après-guerre. Les discours et les postures vont, peut-être, changer. Il était temps.
Maintenant, on peut espérer qu’il en soit de même avec les têtes. Pour le coup, je serais nettement plus prudent.
Pour le moment, il ne pleut pas.
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